Le troisième lien (7)

 


Dans l’Église de mon enfance, on faisait rarement référence à l’Esprit Saint, sauf en lien avec le sacrement de Confirmation. Et encore… En quelque sorte, il est le fameux ’illustre inconnu’. Dieu le Père, ça va relativement bien, quoique si on n’a pas eu de bonne figure paternelle dans notre vie, cela peut faire problème. Dieu le Fils me semble le plus facile à concevoir parmi les trois personnes de la Trinité. Divin, oui, pleinement, mais aussi pleinement humain. Jésus, dans son humanité, est vraiment l’un des nôtres. Il a un visage, un corps, une existence qui ressemble à la nôtre (en termes généraux de naissance, liens familiaux, apprentissages, croissance, mort –je ne parle évidemment pas du contexte dans lequel se sont vécues ces étapes de la vie de notre Sauveur). Voilà du concret.

Mais l’Esprit Saint… Concept abstrait, s’il en est un. On en parle souvent en le comparant à quelque chose. Au vent, au souffle humain, au feu, à la lumière, à une colombe, etc. J’ai même lu récemment un article qui le comparait à ‘une abeille’… Un moment donné... Les fourmis vont être jalouses. On le sait, toutes les comparaisons sont en soi boiteuses et approximatives, surtout quand on essaie de saisir Dieu.

Je pense que le Renouveau Charismatique catholique, malgré toutes les critiques négatives –la plupart injustes et mal informées- a ramené cette troisième personne divine à l’avant-plan et a contribué à mieux la faire connaître, aimer et servir. Sincèrement, je ne suis pas très sensible à toutes les comparaisons qu’on trouve pour tenter de l’expliquer. J’aime mieux vivre à fond ce ‘troisième lien’ divin, l’appeler sur ma vie, l’accueillir et le connaître par ce qu’il me fait expérimenter en synthonie avec le Fils et le Père. Quelle puissance! Quelle force! L’Esprit Saint, en communion profonde d’Amour avec les deux autres personnes de la Trinité, agit concrètement chez moi dans le sens de la progression audacieuse vers l’avant et vers le haut, dans le dépassement de mes timidités, mes peurs, mes anxiétés, mes enfermements sur moi-même, mes égocentrismes, mes préjugés. 

Un ami de la famille avait déjà dit : «Je ne vois Jean-Pierre que derrière un bureau, à faire du 9 à 5. Il est trop timide pour être dans le public.» Ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu, semble-t-il, n'est-ce pas?

Mais qu’est-ce qui me permet de dire que je sens l’action de l’Esprit Saint en moi, 'avant' celle de Jésus ou du Père. On ne se chicanera pas là-dessus : ce que fait l’Esprit, de même le Père et le Fils, les inséparables! Ça ne se coupe pas au couteau. Mais il y a dans ce lien volontairement entretenu avec l’Esprit quelque chose de particulier dans le sens du mouvement et de l’énergie, tout particulièrement dans l'ordre de la parole et de l'affirmation de nos convictions. Jésus lui-même avait promis que le Paraclet qu’il nous enverrait changerait toutes choses. Pensons à l’effusion de l’Esprit Saint à la Pentecôte et à la transformation radicale des apôtres qui passent de la peur à une audace évangélisatrice inédite et étonnante! Souvent au prix de leur vie. C’est biblique, et affirmé clairement. Je ne peux que souhaiter que tous vivent cette expérience extraordinaire d’identifier dans leur cheminement l’œuvre, l’élan, le principe de croissance (‘Ruah’, en hébreu, ‘Pneuma’, en grec) qu’est la troisième personne de la Trinité.

Un jour, le prêtre Oblat assigné à notre petite famille de priants me demande de faire partie de l’équipe de soutien, donc d’avoir un rôle davantage public dans notre cellule du lundi soir, entre autres dans les Séminaires de la vie de l’Esprit et l’imposition des mains; pour la prière sur les malades, aussi. Je vois ses lèvres bouger, mais je ne suis plus là. Intérieurement, ma timidité crie «Non, pas question! » Et mon ego crie «Non, s’il fallait que tu ne fasses pas bien ça, que tu ne sois pas parfait du premier coup et que les autres se moquent de toi, et cessent de t’aimer, et t’abandonnent!» Vous devinez ma réponse…

«Oui! Je dis OUI! Merci de me faire confiance! Grâce à Dieu, je ferai ce que je pourrai, et il fera le reste. J’apprendrai. Je serai docile à l’Esprit!»

N’est-il pas là, le miracle du ‘troisième lien’?

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