Tombé en amour (6)

 



Mon amie de cœur de l’époque, après une intense réunion de prière à laquelle elle avait accepté de participer, malgré ses réticences, me déclare ceci : «Il y a un problème dans notre couple!» Surprise et étonnement de ma part. Je ne voyais pas du tout de quoi elle parlait. Nous filions un petit bonheur tranquille, me semblait-il… Elle continue : «Il y a une troisième personne dans notre relation. Elle est de trop. Et je ne tolèrerai pas ça!» Mais non, dis-je avec force! Je le saurais, si c’était le cas. Mais pas du tout! Je suis interloqué, sinon insulté. À moins que ce soit elle qui me trompe? Et voilà qu’elle m’envoie ceci, comme une gifle au visage : «Oui, il y a quelqu’un  et c’est Dieu!!! Tu es en amour avec Dieu! Et je ne peux pas compétitionner avec lui.» Après une tentative sérieuse de clarification, nous nous sommes donné le temps de réfléchir. J’ai encaissé le coup, dans la prière j’ai fait le point, j’ai consulté le prêtre-animateur de mon groupe, mes parents, etc. Et j’ai compris qu’elle avait tout à fait raison. Nous nous sommes laissés en bons termes. Plus tard, elle s’est mariée et a eu plusieurs enfants.

Je pense que le concept de coup de foudre amoureux décrit tant bien que mal mon expérience spirituelle, à ce moment-là. Il est toujours ardu de trouver les bons mots dans ce domaine. Mais mon cœur était pris, et il l’est encore aujourd’hui tout autant. J’oserais dire que parfois j’ai voulu m’éloigner de tout cela, mais une attraction irrésistible m’en a toujours empêché. Je prie pour avoir la grâce d’aimer et d’adorer Dieu sans faille jusqu’à mon dernier souffle, et dans l’au-delà de cette vie terrestre.

Dans la vie du groupe de prière s’offraient les Séminaires dans la Vie de l’Esprit. De mémoire il me semble que ça durait sept semaines. En fait, sept rencontres avec enseignements sur le rôle de l’Esprit Saint dans l’Église, les charismes et dons qu’il nous fait, les fruits qu’il nous permet de produire, etc. J’avais reçu le sacrement de Confirmation alors que j’étais en deuxième année du primaire. En fait, je n’ai vécu que l’imposition des mains et l’onction du Saint-Chrême (ainsi que le fameux ‘soufflet’ que certains appellent ‘la claque’ de l’évêque. Dans mon cas, je me rappelle plutôt un geste amical, qui signifiait un envoi en mission) puisqu’une grave bronchite me retenait au lit. Mes parents m’ont amené à l’église juste pour le temps du rituel, et on m’a fait passer plus vite pour me ménager, et surtout éviter que je la donne à tout le monde. Un souvenir furtif et lointain, ayant eu peu d’impact apparent.

Au cours des soirées de Séminaire, après plusieurs semaines de formation, nous étions invités à vivre en toute connaissance de cause, l’imposition des mains par le groupe de soutien, et ainsi prier pour demander l’effusion de l’Esprit Saint. Mais de quoi s’agit-il? Eh bien, voilà qu’à dix-neuf ans  je désirais comme je ne l’avais jamais désiré, ardemment et consciemment, ‘réactiver’ cette puissance divine qui m’habitait déjà depuis le baptême mais se trouvait comme en ‘dormance’, en quelque sorte. Et Dieu a entendu notre prière. Je fus profondément bouleversé, jusqu’aux larmes, par une conviction puissante que Dieu m’aimait personnellement et inconditionnellement et voulait avoir besoin de moi dans son grand projet de Vie et d’Amour pour la terre.

Bien entendu, le fait que cinq ou six personnes te donnent toute leur attention, prient sur toi, prononcent des paroles inspirées et inspirantes, te touchent si délicatement et tendrement à la tête et aux épaules, cela a de quoi déclencher des émotions, au plan purement humain. Surtout quand on a peu confiance en soi, qu’on a de la difficulté à s’aimer soi-même. Cette vague d’amour ne peut que nous atteindre profondément. Je dirais même que, à cette occasion, j’ai vécu de véritables guérisons psychologiques et je sais que c’est l’œuvre de Dieu. La preuve : cette effusion a propulsé mes choix de vie dans une direction inattendue; ça a influencé toute mon existence, orienté radicalement ma spiritualité, et le fait toujours près de cinq décennies plus tard! Cela ne pouvait pas être qu’émotif et sentimental, un coup de tête ou de cœur passager. Cela s’avérerait permanent : j’avais vécu un ‘transfert’ spirituel, un tête-à-cœur, ce dernier n’excluant pas le premier, mais le cœur devenant la Résidence officielle du Seigneur, dans mon cas. 

Quand le Feu de l’Esprit nous embrase, on est loin du feu de paille. Plus…feu de forêt, peut-être? Mais même ce dernier peut s’éteindre. Alors j’opterais plutôt pour le ‘buisson ardent’ de Moïse (Exode 3, 1-7)!

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