Un café quoi?! (8)
Je voudrais
rappeler ceci : le Saint Esprit ne fait pas de nous des robots, des
marionnettes. Il respecte totalement notre liberté. Souveraine liberté sans
laquelle il n’y a pas de véritable amour. On peut toujours dire non à ses
inspirations. Sauf que, comme il nous connait mieux que nous-mêmes –nos
capacités, nos talents, nos dons et nos charismes, et surtout ce qu’il peut
faire avec nous par sa grâce- il ne serait pas judicieux de résister. Mieux
vaut la docilité, pour notre plus grand bonheur. Même si l’on a dit non dans un
premier mouvement, il n’est jamais trop tard pour revenir sur notre décision.
Voilà que
le bon prêtre inspirateur de notre groupe de prière m’approche, une fois de
plus, après que j’aie accepté le rôle proposé dans l’équipe de soutien, pour me
proposer l’idée suivante : ouvrir avec lui et d’autres bénévoles, un café
chrétien. Quoi? Je connais le café percolateur, l’instantané, le décaféiné, l’espresso…
mais ‘chrétien’? Qu’est-ce que ça mange en hiver, ça? Et lui de m’expliquer qu’avec
l’aide financière de deux communautés religieuses, on louerait un local sur la
rue Ste-Catherine Est, tout près de l’église St-Pierre-Apôtre, et qu’on y
recevrait les gens autour d’un bon café gratuit. Encore une fois, j’entre dans
ma brume proverbiale. Je n’en crois pas mes oreilles. Je ne suis pas déjà assez
occupé? Études, travail, groupe de prière, une heure de transport pour venir au
Centre-Sud par autobus et métro (station Beaudry). Ça va s’arrêter où? À l’épuisement
professionnel? Comme toujours, le même cri intérieur : «Non! Je ne suis
pas capable!» Donne-moi une semaine de réflexion, lui répondis-je. Mais qu’est-ce
que ma bouche fait là??? C’est ‘NON’, qu’il fallait répondre, tout simplement!
Et je continue (à me caler, diraient certains) : Ça suppose un engagement
sérieux, tous les dimanches soirs et plus. Je lui dis avec conviction :
«90% que c’est pas possible.» C’est fou ce que l’Esprit peut faire avec 10%...
La semaine
suivante, je faisais partie du comité fondateur du Café Chrétien
Centre-Sud : six mois de soirées de prière avec les membres, jeunes et
moins jeunes, pour discerner l’appel de Dieu dans cette idée. Bientôt, ce fut
clair. Les Oblats et les Sœurs de la Providence (quel mot que j’aime!)
soutiendraient ce projet tant que possible. Après ces mois de préparation
spirituelle, nous voici dans le ménage et la peinture de cet ancien magasin
transformé en lieu d’accueil et de foi. C’est fou ce qu’on peut avoir d’énergie
à cet âge, mais j’étais là-bas tous les jeudis et vendredis soirs, sauf
exception, ne pouvant pas négliger mes études universitaires, bien entendu. J’appréciais
tellement le CC que, au lieu de faire la fête le samedi soir comme la plupart
des jeunes de mon âge, parfois je me retrouvais là.
J’ai vécu
au Café de belles amitiés, de magnifiques moments de partage. L’accueil
inconditionnel de quiconque franchissait le seuil m’édifiait et me renvoyait à notre
Jésus d’Amour. Aucune contrainte pour nos visiteurs; de petites tables rondes
recouvertes de jolies nappes à carreaux, avec un lampion et une bible au
centre. Certains soirs, des témoignages de foi, sur la minuscule scène. Des
temps de prière animés, de la chanson chrétienne, le menu était varié et il y
en avait pour tous les goûts. Souvent les gens ne venaient que se réchauffer le
corps et/ou le cœur, sans plus. Si pertinent, nous pouvions indiquer aux
personnes des ressources pertinentes au plan social. Une partie des visiteurs
souffrait de misère matérielle ou psychologique, de dépendances à la drogue, à
l’alcool, ou affectives. Des sans-abris se trouvaient bien heureux dans notre
local, même si on ne pouvait les garder pour la nuit. Un vendredi soir, une
itinérante intoxiquée entre comme un coup de vent, et menace tout le monde.
Elle veut nous ‘casser la yeule’. Comme il est tôt et que nous sommes peu
nombreux de l’équipe, on me désigne pour m’occuper d’elle, essayer de la
raisonner, la calmer, qu’elle s’asseoit enfin et prenne un café pour laisser le
temps dissiper les vapeurs d’alcool ou autres produits. Mais aussitôt que je me
lève et marche vers elle (5’9’’, 129 livres, pas très impressionnant, le jeune
homme, et pourtant…), elle se pousse vers le milieu de la rue Ste-Catherine!
Vous imaginez? Un soir de fin de semaine! Les voitures freinent en catastrophe,
elle grimpe sur des capots. Je l’appelle et lui demande de monter sur le
trottoir. Elle sort tout son vocabulaire religieux pour m’envoyer…enfin, vous
saisissez. La police est finalement venue et a pris le relais. J’étais exténué
et peiné. Pas de blessures, physiques, du moins, chez la dame, Dieu soit loué.
Nous avons prié pour elle avec intensité, et espéré qu’elle revienne nous voir
un jour, qu’elle découvre l’amour si puissant du Seigneur pour son enfant qu’il
a créée pour le bonheur. Un amour qui comble nos vides intérieurs, répond à nos
soifs, et fait des merveilles dans nos vies, surtout chez les plus maganés et
souffrants, je peux en témoigner personnellement, entre autres grâce au Café.
__________________________
LA SEMAINE
PROCHAINE : Des questions à 100$