« Es-tu malade?! » (10)
À 20 ans,
je n’envisageais pas du tout la prêtrise. Je me voyais en couple, père d’une
belle famille. Mais je me fixais aussi comme objectif de vie d’être un baptisé ‘allumé’,
instruit, pertinent pour son temps, passionné par le Christ, son Évangile, son
Église, son Royaume à établir. Je n’ai jamais apprécié la tiédeur ni la médiocrité
dans aucun domaine. Alors, je serais un catholique ‘de feu’, un chrétien engagé,
ou rien du tout. Point de demi-mesure : une conviction qui s’était
éveillée lors de ma conversion sous la mouvance du Saint-Esprit. Mais comment y
parvenir?
Après ma
deuxième année en Études Françaises, l’idée me vient de poursuivre mes études
après l’obtention de mon premier diplôme universitaire : un baccalauréat
en théologie! Je me suis bien informé des contenus enseignés et cela m’intéressait
hautement. Il me semblait que j’y trouverais la formation nécessaire pour
satisfaire ma soif de connaissances dans le domaine religieux. J’y trouverais
réponses à mes questions, et celles des personnes que je servais en Église. Trois
autres années à me ‘faire plaisir’, puisque j’adorais étudier. Et là, Dieu, le
Dieu que j’aimais tant, deviendrait l’objet de mon intérêt à plein temps.
Et de voir
la réaction de plusieurs de mes amis quand je leur annonce que je m’inscris en
théologie : « Es-tu malade?! Déjà que les Études Françaises ne te menaient
à rien! La théologie, c’est pire. C’est le fond du baril… Imagine que tu vas
perdre trois ans de salaire –en imaginant que tu aurais trouvé un emploi après
ton premier diplôme, ce qui étais déjà douteux…» Etc. Etc. Cependant, mes
parents, eux, me disaient de suivre mon cœur. D’écouter la voix du
Seigneur. De faire ce que j’aimais, c’était l’essentiel. La Providence veille,
de toutes façons.
Vous avez
compris que je n’ai pas pu quitter le foyer familial aussi jeune que d’autres.
Tous les sous que je gagnais avec ma musique en paroisse (à l’époque, on me
faisait un don de 5$ par messe!) et les emplois d’été m’aidaient à défrayer les
coûts des études; de plus, je me faisais un point d’honneur de partager mes
gains avec mes parents. Ils ne me demandaient rien, mais en toute justice je
croyais nécessaire de participer aux dépenses de la maison et de les gâter un
peu. Ils ont tellement fait pour moi! Comme je n’étais pas spécialement
dépensier et ‘sorteux’ (comme on dit au Québec), j’ai pu économiser un peu pour
l’avenir. Étant féru d’écologie (grâce à un prof du Secondaire visionnaire qui
avait fondé un club à ce sujet, dès 1971), l’idée d’acheter une auto me
répugnait, surtout que j’habitais en ville où le réseau de transport suffisait
largement à mes besoins. Je n’ai eu mon permis de conduire qu’à 22 ans, et ma
première voiture, à 27 ans, cela pour me permettre de sortir de la ville, aller
à la campagne et à la montagne. Je me sens si bien, dans la nature, si proche
de Dieu! Dommage qu’on ait si peu investi dans les autres moyens de transport,
au Québec, depuis l’avènement des autoroutes.
J’ai donc été accepté en théologie à l’Université
de Montréal, et à l’aube de mes 22 ans, je commençais ce nouveau chapitre de ma
vie. À l’exception de certains amis, tous, de ma paroisse St-Vital, et des deux
autres églises où j’avais commencé à jouer de l’orgue (Habitat St-Camille et
Notre-Dame-de-la-Merci), du groupe de prière, du Café Chrétien, etc., se
réjouissaient pour moi. Et pour eux-mêmes. Je soupçonne en effet que plusieurs
souhaitaient secrètement que mon cheminement aboutisse au sacerdoce ordonné. Voyons,
quelle idée, pas moi!
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La semaine prochaine: Collision providentielle