Questions à 100$ (9)
Pour l’animation du Café Chrétien, nous avions eu une formation de plusieurs heures de la part du Café Chrétien St-Hubert, aussi à Montréal. Très fréquenté et reconnu à travers le Québec comme l’un des plus pertinents, nous avons eu le bonheur d’en rencontrer les artisans et de bénéficier de leur expérience. Je me rappelle que lors d’une de ces journées de partage, une dame me lance de bout en bout : «Tu n’as jamais pensé à la prêtrise?» Que non, que je lui réponds! Je me vois partout mais pas là, même si j’ai une forte sympathie envers les ministres du culte et tout ce qui touche au spirituel!
À l’époque,
la formule des Cafés Chrétiens s’avérait très populaire dans la province et
apportait un quelque chose d’irremplaçable, à mon avis, à l’Église de
chez-nous. Il s’agissait d’un réseau de solidarité et d’évangélisation
remarquable. Il n’y en a presque plus, de CC, maintenant. Celui dans lequel
j’ai cheminé est fermé depuis belle lurette, pas très longtemps après que nous
ayons célébré ses 20 ans. Que s’est-il passé? Difficile à dire. Manque de
fonds? Avons-nous eu le soutien suffisant de la part de l’Église-institution?
S’agit-il tout simplement de l’évolution de la société québécoise, qui se veut
réfractaire à la religion catholique en général? Manque de bénévoles et de gens
prêts à s’impliquer? Un peu de tout ça, sans doute. Que d’interrogations
demeurent dans mon esprit. Quand j’entends les autorités nous dire comment nous
devrions vivre l’Église de maintenant, et que je ne peux que constater que
c’est tout à fait ce que nous vivions il y a 45 ans dans nos CC, avec si peu
d’appui et de reconnaissance… Mon cœur est dans l’eau.
Parlant
d’interrogations, c’est dans notre petit local de la rue Ste-Catherine que j’ai
reçu les questions les plus pertinentes et difficiles de toute ma vie, je
crois. Des gens, souvent mal à l’aise avec les lieux de culte officiels,
aimaient venir nous rencontrer dans ce lieu ouvert et non-menaçant pour eux qui
se trouvaient à la marge de la religion, et de la société, dans certains cas. Il
n’était pas rare que ces personnes nous demandent si leur situation et la
doctrine de l’Église pouvaient se concilier. On percevait chez plusieurs un
désir de faire partie de la ‘famille’ de Jésus, mais se demandant si ce qu’ils
étaient et vivaient (situation maritale, orientation sexuelle, et j’en passe)
leur permettait de le faire. Vous imaginez… Demander cela à un jeune de 19 ans
qui n’a pas encore fait tant de cheminement ecclésial que ça. Attendez que
j’aie le ‘nombril sec’! Je ne voulais pas répondre n’importe quoi, bien
entendu.
On nous
avait bien enseigné, au Café Chrétien St-Hubert, qu’il vaut mieux avouer candidement
notre incompétence en la matière que de répondre des ‘à peu près’ qui peuvent
causer plus de mal que de bien. Souvent, on cherchait simplement ensemble,
comme des frères et sœurs, dans la Parole, dans notre cœur, dans notre
intelligence, sous la mouvance de l’Esprit Saint, des pistes de réponse. Et
lorsque nous voulions aller plus loin, il était toujours possible de consulter
le prêtre-animateur, qui se faisait une joie, non pas de nous proposer des
réponses toutes faites, mais, au fond, de chercher avec nous à partir de ses
connaissances et de son expérience.
Une partie
des visiteurs s’avéraient réellement intéressés par la Bible et son message. Ma
faiblesse : je m’y connaissais si peu dans ce domaine. Mes parents, eux,
connaissaient leur Histoire Sainte de belle façon. Surtout l’Ancien
Testament. Cela leur avait été enseigné à l’école, au catéchisme, et était
resté imprégné dans leur cœur. Cela faisait partie de la ‘mémoire collective’,
je pense. Personnellement, après un an de ‘petit catéchisme du Québec’ vécu en ‘combats’
questions-réponses dans la classe, nous avons débuté, dès la deuxième année du
primaire, la nouvelle catéchèse. On entendait les principaux récits bibliques,
qu’on dessinait ensuite dans notre cahier en papier journal. Nouvelle approche
pas encore pleinement maîtrisée. Au Secondaire, il me semble (c’est loin, n’est-ce
pas?) que l’enseignement religieux était plutôt concentré sur les grandes
questions sociales du temps (justice, partage, politique, avec un peu d’éthique).
Et l’on ne
peut pas dire non plus que mon curé de paroisse prêchait sur la Parole. Il
était resté coincé dans les sermons d’avant Vatican II où l’on traitait
davantage de questions morales en lien avec l’enseignement du Magistère de
l’Église (organe officiel catholique) que directement de la Bible. Dans la
nouvelle liturgie, on lisait pourtant quatre textes des Écritures et, souvent,
mon prêtre y faisait à peine référence dans son ‘discours’ après l’Évangile. Il
arrivait que des membres d’autres confessions chrétiennes qui passaient de
porte à porte, entre autres les Adventistes et les Mormons (j’avais aussi deux grandes
amies, devenues soudainement Témoins de Jéhovah, promptes à me ‘piéger’ sur le
Livre Saint) m’étonnaient avec leurs affirmations, me servant avec empressement
des versets des Écritures que je connaissais peu ou pas du tout, et que –de toutes
façons- je ne comprenais pas tant que ça. Devant mon silence embarrassé et mon
regard interloqué, mes sœurs et frères disciples du Christ s’empressaient de me
‘nourrir’, habitués qu’ils étaient de constater l’ignorance scripturaire des catholiques
(c’était, du moins, leur perception…et mon cas). J’écoutais avec intérêt,
admiratif, même, je l’avoue. Je me sentais si dépassé et inadéquat. Ça ne
pouvait pas continuer ainsi. Une grande soif montait en moi et se faisait
presque obsédante.
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La semaine prochaine: «Es-tu malade?!»