Pas gratuit... (16)
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Chapelle du Grand Séminaire de Montréal (avant déménagement récent) |
Dès 11 ans,
camelot pour La Presse (mon frère et moi avions une route d’au moins soixante clients),
organiste titulaire de ma paroisse dès 15-16 ans, travaillant aussi chaque été
à partir du Collégial (employé d’une concession de crème glacée à
Terre-des-Hommes et à la Ronde pendant quelques saisons / épuration de dossiers
au Ministère québécois du travail avec une douzaine d’autres étudiants /
peinture et autres menus travaux avec mon père, qui acceptait des contrats pour
arrondir les fins de mois, et j’en passe), j’ai pu économiser suffisamment pour
payer une bonne partie de mes études (mes parents me soutenant aussi) et ne pas
contracter de dettes.
Le Grand
Séminaire, avec raison, n’est pas gratuit. Le logement, la nourriture, les
cours, tout cela a un coût, sans oublier l’entretien d’une telle bâtisse et
la rémunération des nombreux employés, dont les prêtres résidents actifs.
Malgré les sous que j’avais, comme j’en étais à ma septième année d’études
universitaires, j’ai dû quand même demander à l’Oeuvre des Vocations du diocèse
un petit prêt (comparé à celui de la plupart de mes confrères) de 800$. L’entente
veut que ce montant est remboursable en entier si nous quittons le cheminement,
ou à moitié si on se rend à l’ordination.
Au sujet
des prêtres résidents actifs, certains étaient mandatés pour accompagner un
groupe-classe en particulier (1ère à quatrième –aujourd’hui il y a
aussi une cinquième année—ainsi que le groupe des ‘aînés’ –appelés autrefois
‘vocations tardives’) et faire de l’accompagnement individuel (jadis, des ‘directeurs de conscience’). Chaque séminariste devait en choisir
un, et avait la liberté de changer après un certain temps si la relation ne
fonctionnait pas bien. J’ai demandé au plus jeune (38 ans), prêtre séculier
(dans le sens de non-Sulpicien), de devenir mon conseiller et cela a très bien
fonctionné. Avions-nous une rencontre hebdomadaire? Je ne me rappelle pas
vraiment, mais quoiqu’il en soit, ce moment s’avérait toujours agréable et
enrichissant. Un temps de discernement, de confession, de partage de vécu, le
plus beau et le plus difficile aussi. Vous imaginez que la vie d’une communauté
de plus de soixante hommes qui ne se sont pas choisis comporte son lot d’épreuves,
sinon de crises.
J’oubliais
de vous dire qu’au début du séjour au Séminaire, nous devions rencontrer un
psychologue pour une évaluation d’une journée complète à l’Institut du Dre
Jeannine Guindon (IFHIM- Institut de formation humaine intégrale de Montréal).
J’ignore si pour certains candidats cela a sonné le glas de leur cheminement
vers la prêtrise, mais dans mon cas ce fut une journée fort enrichissante et éclairante,
surtout qu’on n’avait pas trouvé d’obstacles à mon parcours de séminariste.
J’ai
surtout apprécié cette année comme ‘école’ de vie intérieure, cette possibilité
de vivre la Présence de mon Bien-Aimé au quotidien de façon intense et de plus
en plus approfondie. Cela marquera toute mon existence sacerdotale. Malgré nos limites
humaines de pécheurs, nous voulions vivre pour Dieu, par Lui, avec Lui et en
Lui. Il était au rendez-vous; et il ne manquait pas de nous façonner le cœur,
de le configurer au sien. Entre autres moments de grande paix et douceur :
mes heures passées dans les petits oratoires qu’on trouvait sur chaque étage,
dans un coin tranquille. Ma préférée : celle du troisième étage, de style plus
moderne, où je suis venu déposer au pied du Tabernacle bien des soucis, des larmes,
des questions mais aussi des actions de grâce et des louanges nombreuses. Assis
sur un confortable coussin, dans cette ambiance feutrée et intimiste, et la
plupart du temps seul dans cet espace sacré, j’ai reçu de magnifiques grâces,
de mémorables guérisons; j’ai compris bien des choses sur moi-même, sur le
monde et sur mon Dieu. J’en ai profité –et c’est là l’un de mes charismes- pour
vivre la prière d’intercession avec compassion et foi. Notre statut de
séminariste provoque chez plusieurs le besoin de nous confier leurs intentions
de prière (Dieu sait qu’il y en a des défis et des souffrances dans la vie des
gens!). Je les ajoutais aux miennes, convaincu que le Seigneur tendait l’oreille
de son Sacré-Cœur, et que cela portait beaucoup de fruits. Sachez toutefois que
je ne passais pas toutes ces périodes d’Adoration à « parler » intérieurement
au Christ; cela se passait en majeure partie dans l’écoute attentive, un grand silence
de Contemplation. D’ailleurs, j’ai toujours cette forte attirance et cet
immense besoin du silence, non pas vide mais plein de la Vie du Seigneur.
L’espace
d’un clin d’œil, nous voici déjà presque rendus à la fin de l’année (en mai) au
GSM, laquelle fut bien remplie. Soudain, un message : le recteur me
convoque à son bureau…
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La semaine prochaine: « Un problème? »