Au revoir au Ciel, Bernard!

 


Au moment d'écrire ces lignes, je viens d'apprendre la nouvelle: mon ancien vicaire à Stes-Germaine-Cousin/Maria-Goretti, Bernard Coulombe, est rentré à la Maison du Père, le 1er mai, à l'âge de 88 ans.

Je voudrais exprimer mes condoléances à ses proches et à tous ceux et celles qui l'ont côtoyé et aimé.

J'ai eu le bonheur d'oeuvrer avec lui durant une bonne dizaine d'années et ce fut un charme. Jamais de tensions entre nous deux, aucun esprit de rivalité, une étonnante créativié partagée dans une foi vivante, dynamique, et de sont temps. Quand on m'a nommé curé dans l'Est de Pointe-aux-Trembles et qu'on m'a annoncé que j'aurais un vicaire de 70 ans, je trouvais ça bien âgé, ayant moi-même seulement 48 ans... Je me disais, il ne pourra pas faire beaucoup. Mais on verra. Hé bien, je peux vous affirmer qu'il a travaillé avec une grande générosité sans jamais refuser une seule de mes demandes (toujours raisonnables, quand même!). Il avait une très bonne santé, physique et mentale. Surtout, on le sentait habité du Seigneur. Timide, réservé (ce qui fait que certains croyaient à tort qu'il était froid et distant) et toujours très humble, il n'était pas homme à 'faire des vagues'. Il ne cherchait pas la première place, il ne se mettait pas volontairement en valeur. Son humour, sa vivacité d'esprit et sa grande culture étaient remarquables. Je peux vous dire qu'il se sentait apprécié, utile, heureux avec moi et notre équipe, dans cette communauté chrétienne qu'il affectionnait véritablement, et qui le lui rendait bien.


Une anecdote: mon premier samedi au presbytère de Sainte-Maria-Goretti, je suis en train d'emménager, et je dois aller faire une course au Canadian Tire. Je reviens tranquillement, et je vois que le stationnement de l'église est plein. Ah, je ne savais pas qu'il y avait un événement aujourd'hui. Je voyais des gens sur le perron, habillés chic. Bizarre. Je monte à l'étage, l'escalier menant à mon logement privé donnant du côté du pont Legardeur. Tout en déballant mes choses, je perçois, de loin, la sonnerie frénétique de la porte du secrétariat. Je me précipite, et un homme, plutôt fâché, me dit: «Y a pas de prêtre icitte?»... Oui, je me présente, je suis le nouveau curé... «Ben, qu'est-ce que vous faites? Venez nous ouvrir les portes! Mes parents attendent sur le perron pour leur messe de 50e anniversaire de mariage dans 10 minutes!!!» Wow! Le curé qui quittait avait oublié de m'avertir qu'il y avait cette célébration! J'ouvre les portes et j'accueille le couple en question en me morfondant en excuses. Pendant que je leur parle, je leur demande s'ils connaissent l'abbé Bernard Coulombe? «Bien sûr, depuis longtemps. Nous l'aimons beaucoup.» Je pars en courant appeler Bernard à Saint-Octave où il demeurait alors. En fait, il a vécu et oeuvré dans Pointe-aux-Trembles durant une grande partie de sa vie. Dieu soit loué! Je réussis à le rejoindre immédiatement et il accepte sans hésitation de venir sur le champ célébrer l'anniversaire de mariage de ces personnes qu'il connaissait bien. Providence!

Autre fait cocasse: dans les débuts, j'avais beaucoup de difficultés à le tutoyer malgré son désir; je n'y arrivais tout simplement pas. Un jour, dans une réunion d'équipe, pince-sans-rire il commence à m'appeler M. le curé et à me vouvoyer, alors que normalement il m'appelait toujours tout simplement Jean-Pierre. Malaise. J'ai compris le message et j'ai liquidé le 'vous' une fois pour toutes.

Ensemble, nous avons préparé tant de célébrations du Pardon communautaires, avec dialogues partagés entre lui et moi; dans les temps forts de la liturgie, il aimait raconter et mettre en scène des personnages imaginés (comme sa fameuse marmotte), et, étant moi-même artiste, j'étais toujours partant pour ses histoires,  paraboles et contes modernes. Nous alternions la tâche en ce qui concernait les baptêmes, nous partagions les funérailles, les mariages, les messes dominicales, les eucharisties de Noël et les célébrations de la Semaine Sainte; et j'en passe. Je partais en congé ou en vacances l'esprit tranquille, Bernard suppléait. Il se voulait toujours disponible, caressait un projet ou l'autre, savourait d'avance ce que nous allions bâtir ensemble, cela jusqu'à ce qu'il tombe malade, et, subséquemment prenne sa retraite... à 80 ans. Quel extraordinaire surprise nous lui avons faite, quel magnifique banquet communautaire nous avons vécu dans l'église même pour souligner le tout et lui dire merci et au revoir. Il débordait de joie!

Ce furent de merveilleuses années tant pour lui, que pour moi et la communauté. J'ai appris beaucoup en discutant avec Bernard, et il me disait que j'avais fait une différence dans sa vie de prêtre. Il m'avait déjà affirmé avec émotionque le nouveau p'tit curé du bout de l'île lui avait permis de déployer ses ailes. En fait, je n'ai fait qu'ouvrir la porte à ce qu'il était vraiment, à sa richesse d'être, ses charismes, ses talents; et j'avais un immense respect pour sa vaste expérience de vie et de ministère. Et je me suis toujours senti respecté par Bernard dans mon mandat de curé, même si j'étais de vingt-deux ans son cadet.

Bernard, en ce lumineux temps pascal et ce magnifique mois de Marie, entre dans la Paix du Ciel. Laisse-toi prendre dans le Coeur de l'Éternel notre Dieu, goûte pleinement la vie promise en Christ, Lui que tu as servi avec tant de conviction. Que l'Esprit te soutienne dans cette existence nouvelle. Je ne suis plus ton curé mais je vais me permettre de te donner encore à faire: tu seras un de mes intercesseurs principaux auprès du Seigneur. Je devine que je n'ai pas besoin d'insister. Toujours partant, n'est-ce pas?


Merci pour tout! Très fraternellement,

Jean-Pierre, ptre

https://www.domainefuneraire.com/avis-de-deces/bernard-coulombe


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