Ça clique! (18)

 

(Escalier central du GS avec buste de M. Olier, fondateur des Sulpiciens.)

Surprise totale! Le recteur, en collaboration avec « La Résidence » du Grand Séminaire, qui est une administration à part pour les prêtres retraités et/ou malades qui habitent au GS ainsi que pour les visiteurs de passage, m’offre de travailler dès le mois de mai avec M. Piché, pss, directeur de « La Résidence », tout au long de la saison estivale, jusqu’à la reprise des cours. Des employés s’occupent déjà, bien sûr, des besoins des résidents permanents, moi je m’occuperai exclusivement des visiteurs.

« On te voit très bien dans ce rôle », me dit le recteur. Honnêtement, le défi m’attire et me fait peur à la fois. Plutôt timide, cela représentera sans doute parfois une épreuve pour moi, mais tant qu’à gagner ma croûte (à ce moment-là, j’ai déjà donné ma démission comme organiste dans mes paroisses depuis la fin août), j’aime l’idée de le faire avec des gens venant d’un peu partout dans le monde et qui viennent pour se reposer et visiter Montréal. J’accepte donc.

Je rencontre bientôt mon futur patron, un prêtre extrêmement simple et sympathique, très à l’écoute, qui me promet un été inoubliable. Il me décrit l’emploi plus en détails : je serai appelé à accueillir les visiteurs en français ou en anglais, parfois même aller les cueillir à l’aéroport de Dorval avec la grosse voiture du patron (!!!) et les reconduire, confectionner un dépliant expliquant le réseau de métro et d’autobus de la ville (incluant les tarifs), mettre à leur disposition près de l’entrée principale des publicités des différents attraits de notre ville (spectacles, restos, lieux à visiter), expliquer aussi le fonctionnement du Grand Séminaire (les lieux et horaires des repas, etc.), faire des courses pour les visiteurs, si demandé, et… faire le ménage quotidien des chambres, incluant changer les draps et nettoyer les toilettes, les bains et les douches. Du multitâche à son meilleur! Au fond, il me fallait être disponible presque en tout temps, au moins cinq jours/semaine (les visiteurs arrivant à différents moments de la semaine), mais pour un bon salaire. Je pouvais faire de ma chambre mon quartier général et vérifier régulièrement à l’accueil si quelqu’un avait besoin de moi (nous sommes avant l’ère des cellulaires). Je pouvais dormir au Séminaire où aller dormir chez mes parents, à mon choix, selon les besoins. Il n’y avait pas une foule de visiteurs à la fois, on s’entend. Certaines périodes furent plus tranquilles que d’autres.

J’ai vécu quatre mois formidables, remplis de rencontres enrichissantes. Je me rappelle entre autres avoir accueilli un sulpicien évêque-Cardinal, Édouard Gagnon, président du Conseil pontifical pour la famille de 1974 à 1990, à Rome. Originaire de Gaspésie, il a traversé l’océan pour un bref séjour dans la métropole afin de renouer avec ses confrères avant d’aller prendre ses vacances dans sa famille. Quand on m’a averti de sa visite, les jambes m’ont manqué, mon cœur s’est serré. Et pourtant, quel homme facile d’accès, les deux pieds sur terre, très respectueux du jeune séminariste que j’étais. Disons que je n’avais pas l’habitude de côtoyer de proches collaborateurs du pape… Je fus vite à l’aise avec lui et me fis une joie de le servir, tout autant d’ailleurs que les dizaines d’autres visiteurs que j’ai traités ‘aux p’tits oignons’, qu’ils soient de simples prêtres séculiers ou de prestigieux membres de la hiérarchie de l’Église.

Je termine cet article en vous parlant d’une expérience décisive vécue en juin de cette année-là. Cette fois, concernant non pas des prêtres mais des groupes d’enfants de sixième année. Une école primaire du voisinage avait eu cette intéressante idée de faire visiter le Grand Séminaire à ses finissants (une autre époque…). Mes responsables voyaient cela comme pouvant faire partie de mon travail d’été, et je me fis une joie de répondre à la demande. Je n’avais jamais fait cela, mais j’apprends généralement assez vite, et ce serait un atout pour le reste de l’été. Ayant quelques jours pour me préparer, je me documentai sérieusement sur l’histoire de l’institution, le fait d’y vivre me rendant la tâche plus facile. J’ai pu éviter de m’en tenir seulement à la plate description des lieux et des dates importantes de leur histoire,  et ainsi ajouter des faits concrets sur la vie qui s’y déroulait et donner le sens de ce grandiose et mystérieux édifice d’un autre siècle, caché derrière d’épaisses fortifications. Les questions des jeunes fusaient de toutes parts et, les prenant toutes très au sérieux, je m’empressais d’y répondre au meilleur de ma connaissance. J’y voyais, au fond, une occasion extraordinaire de témoigner de ma foi au Christ hors du circuit habituel. En fait, j’ai toujours aimé enseigner, transmettre mes connaissances, partager mes compétences et mes expériences (Un beau souvenir : mon frère et moi avons beaucoup joué à faire l’école; devinez qui choisissait toujours le rôle du prof!).

Avec l’accord des éducatrices-éducateurs présents, à la fin du parcours, nous prenions chaque fois un bref moment d’intériorité et terminions la visite de plus d’une heure par une collation partagée. Vraiment une première pour moi, cette activité. Et j’en redemandais! J’étais loin de me douter qu’il s’agissait là d’un apprentissage qui préparait et préfigurait mon futur engagement pastoral auprès des jeunes…

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La semaine prochaine (exceptionnellement vendredi): « Assez! »

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