Extra curriculum (20)

 

(Maisonnette à Champboisé)

Je tenais à prendre quelques lignes pour vous parler d’une dimension autre que les cours universitaires faisant partie de la formation au sacerdoce ordonné.

Des retraites et récollections

Nous en avons fait de nombreuses. Généralement, des week-ends. Un des objectifs était de nous faire découvrir les nombreux (à l’époque, aujourd’hui plusieurs sont fermés) endroits de ressourcement catholique disponibles au Québec. Il s’agissait aussi bien entendu de moments d’approfondissement de notre foi. Nous partions habituellement en groupe-classe, ce qui avait aussi l’avantage de souder nos liens fraternels. Ces temps de retraite spirituelle se poursuivaient tout au long du stage en paroisse. Tout comme diverses formations offertes, d’ailleurs (éducation permanente, très favorisée).

Je me rappelle entre autres des fins de semaine au pied du mont St-Hilaire (Sœurs de la Présentation de Marie), au Monastère bénédictin (St-Benoit-du-Lac), à Oka (cisterciens, aujourd’hui déménagés à St-Jean-de-Matha), chez les Oblats (à Richelieu), chez les Jésuites (à St-Jérôme), au Foyer de Charité (Notre-Dame d'Orléans), la Maison du Renouveau (Charlesbourg), et plusieurs autres. Je ne suis pas certain de la justesse de mes souvenirs, mais il y avait une maison à Rosemère, Solitude Notre-Dame (fermée aujourd’hui), tenue, je crois, par des Sœurs de la Congrégation Notre-Dame, un endroit que j’appréciais beaucoup, au point de choisir d’y vivre mes retraites pré-diaconale et pré-presbytérale (5 jours complets). Située dans un environnement rural magnifique, on y vivait en silence, même les repas. Quand j’y allais l’automne ou l’hiver, nous mangions à la lueur de la lampe à l’huile, avec une petite musique douce comme ambiance. Tellement intériorisant et reposant!

Une expérience forte fut aussi le week-end R3 (R au CUBE) vécu avec un confrère séminariste. Nous étions hébergés au monastère du Sanctuaire de la Réparation, à Pointe-aux-Trembles (je ne me doutais pas qu'un jour je serais pasteur dans cette paroisse!). On parle de 3 R: rencontre de soi, rencontre de l'autre, rencontre de Dieu. Vraiment intense et enrichissant.

L’un des moments les plus marquants parmi mes nombreuses retraites fut un séjour de trois jours, avec quelques confrères séminaristes, à ‘Champboisé’ (dans l’Outaouais, si ma mémoire est bonne), dans un ermitage tenu par des Eudistes. De charmantes ‘poustinias’ s’offraient à nous; il s’agissait de petits cabanons contenant seulement un lit, un bureau de travail, une chaise berçante et un poêle à bois. Une petite fenêtre nous permettait d’admirer la nature. Quand nous y sommes allés, la fonte des neiges commençait tout juste et la météo se voulait douce et lumineuse. Je me rappelle avoir passé des heures, debout, à contempler un petit ruisseau se frayant un chemin dans la neige et la glace, joliment éclairé par le soleil couchant. Superbe! Nous prenions nos repas en solitude, préparant nous-mêmes notre soupe végétarienne sur notre poêle. Des légumes et de l’eau étaient à notre disposition à la salle centrale, plus bas sur l’immense terrain, tout comme la salle de toilettes et de douches. Un prêtre offrait sa disponibilité pour des rencontres individuelles ou de groupe. Nous avions sollicité ses services pour quelques enseignements et partages. Je n’oublierai jamais son insistance à affirmer que nous faisions là une ‘expérience sommet’. Nous en étions déjà pas mal convaincus, croyez-moi. Et nous avons vite compris qu’il fallait bien, après ces journées exceptionnelles, redescendre dans la plaine, jusqu’à la prochaine ‘ascension’.

Des formations

Nous avons eu plusieurs formations qui sortaient du cadre du cursus de base mais qui nous permettraient d’acquérir des outils et d’affiner notre approche avec nos futurs paroissiens. Parmi celles-ci, des enseignements en psychologie et psychiatrie, où nous explorions (avec des spécialistes invités) la pensée de Jung, Freud, Maslow, sans oublier les auteurs spirituels et mystiques nous amenant à explorer les profondeurs de l’âme et de la psyché humaine.

J’ai beaucoup apprécié aussi les cinq jours intensifs en relation d’aide (incluant l’écoute active), donnés par Monsieur Dame (oui, oui, c’était son vrai nom!), après la fin de l’année universitaire. Une partie, théorie, bien entendu, mais une partie atelier où le prof nous donnait des situations concrètes à simuler, pour appliquer le contenu intellectuel. Nous voilà donc, deux séminaristes, devant le grand groupe (extrêmement intimidant), assis face à face, l’un jouant le rôle de l’écoutant professionnel et l’autre, de l’écouté. Puis le tout était évalué par tous, incluant le maître, tant les points positifs que les lacunes. Nous avons découvert là que la véritable écoute est un art à développer, une aptitude à acquérir (peu de gens l’ont vraiment, croyez-en mon expérience) qui demande une grande discipline personnelle -même une ascèse! Nous avons compris aussi que notre gestuelle corporelle parle parfois plus fort que nos paroles.

Je termine* par cette mémorable expérience de deux semaines, vécue en mai 1984, pour les futurs-prêtres finissant leurs études, de partout au Québec. Se vivant dans une maison de prière à Ste-Anne-de-la-Pocatière, plusieurs dizaines d’entre nous, de divers diocèses -Montréal, Québec, St-Jean-Longueuil, St-Hyacinthe, Saguenay/Lac St-Jean, etc.- étions réunis pour ce qu’on appelait ‘les deux semaines de spiritualité’. Le contenu ne remonte pas à ma mémoire, et je n’ai plus de traces écrites de cela --peu importe, cela demeure gravé dans l’ADN de tout mon être-- mais je me souviens toutefois que l’animation se faisait par deux prêtres très pertinents et compétents, et que le tout m’avait plutôt rejoint.  J’imagine que nous avons dû explorer plusieurs écoles de spiritualité, notre Église vivant une immense richesse à ce niveau depuis 2000 ans. Mais l’essentiel fut sans doute d’explorer ce que pourraient être les fondements et les incontournables de la spiritualité du prêtre à notre époque moderne, homme de foi, de prière et de service, selon les appels de Dieu pour notre siècle.

Nous avons accompli un sérieux travail de discernement : par exemple, où nous situons-nous personnellement dans l’éventail de couleurs spirituelles existantes au sein même de l’Église, sommes-nous à l’aise avec les différents courants? Sommes-nous assez confiants en nous-mêmes et suffisamment imbus de l’Évangile pour accueillir l’autre tel qu’il est, l’aimer en vérité avec le Cœur de Jésus, comme ce dernier? Faire le point sur notre croissance humaine et chrétienne, sonder où nous en sommes comme jeunes adultes voulant se vouer au service de Dieu et de ses communautés –le chemin déjà parcouru, nos joies, nos rêves, nos peines, nos frustrations, nos attentes et nos peurs face au stage s’annonçant, face à l’avenir en général, etc.; voilà des réflexions cruciales à cette étape de notre cheminement. Sur quelles solides fondations sommes-nous établis? Privilégiés, étions-nous, de pouvoir prendre ce temps d’introspection juste avant le grand passage vers l’activité effrénée en paroisse. Je pense qu’on voulait ainsi nous présenter des ‘outils’ qui nous serviraient toute notre existence.

Le style de formation variant quelque peu d’un coin à l’autre du Québec, cela s’avéra intéressant et enrichissant de confronter différentes visions… Les nombreux temps de prière partagés, les amitiés se nouant lors des repas et des périodes de détente, les conversations profondes, cela fit de cette quinzaine un moment très fort de notre parcours. Certains liens se sont poursuivis pendant un temps, mais dans mon cas, une amitié s’est avérée vraiment durable et précieuse (particulièrement dans les moments d’épreuve) depuis quarante ans ce mois-ci : salut, cher Réal! Un cadeau de Dieu sur ma route depuis quatre décennies déjà. Celui-ci a célébré 35 ans d’ordination, le 6 mai dernier (environ cinq semaines avant moi, la même année).

*J’ai aussi participé à deux Carrefours nationaux des futurs-prêtres, grand congrès provincial avec conférenciers et conférencières (comme le prêtre sociologue Jacques Grand’Maison!), je vous en parlerai à une autre occasion, promis.



(Intérieur d'une des maisonnettes à Champboisé)

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La semaine prochaine: Enfin, le stage; des débuts 'corsés'.

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