Stagiaire à tout faire (23)


 Une fois passées les funérailles de mon ami Christian, présidées par un des évêques de son diocèse dans le respect, la compassion et l’Espérance chrétienne, je reviens à Saint-Hippolyte, et la vie suit son cours. Mais on ne guérit pas si vite d’une blessure pareille. On apprend à vivre avec. Surtout qu’en paroisse on n’a généralement pas le temps de prendre soin de soi-même… Heureusement que comme stagiaires nous avions les temps obligatoires d’accompagnement et de retraite/ressourcement pour souffler un peu et faire le point sur notre vie. Personnellement, c’est après la mort de mon ami que, pour la première fois de ma vie, j’ai expérimenté au moins mensuellement des migraines terribles (avec nausées, hypersensibilité à la lumière, etc.). Cela a duré une dizaine d’années avant de se résorber progressivement, Dieu soit loué!

Exigeant, que le temps du stage en paroisse. Autant pour le curé-accompagnateur qui doit participer à plusieurs réunions avec les autorités du diocèse -sans compter les rencontres régulières avec le stagiaire-  que pour ce dernier, qui participe à tout ce qui se vit dans la communauté. Un ami à moi me disait : « On travaille autant, sinon plus que les curés! » Vrai. Sauf que nous ne portions pas ses responsabilités sur nos épaules. Nous ne célébrions pas de sacrements mais étions présents pratiquement à toutes les cérémonies.

Il s’avérait nécessaire et bénéfique que nous soyons présents à au moins une rencontre de chaque comité existant, afin de mieux saisir ce qui nous attendait concrètement après l’ordination. De plus, cela nous permettait d’acquérir différentes aptitudes qui nous serviraient plus tard. Personnellement, une fois que j’ai fait le tour de tout, j’ai choisi de m’impliquer davantage en liturgie, comme vous vous en doutez.  Avec cette chère Sœur Madeleine, nous en avons créé des messes familiales avec gestuelle, bricolages, chants et homélies partagées adaptées. Mensuellement et lors des temps forts, nous mettions beaucoup d’énergie à réaliser ces Eucharisties spéciales, avec un comité dédié. Comme vous le voyez, ça n’a pas été inventé récemment. J’ai même, à l’été ’85, participé à une session de cinq jours à Beloeil, animée par ALPEC (Animation et liturgie par l’expression et la communication) pour enrichir mes compétences à ce sujet. Nous avions de la théorie, mais surtout des ateliers comme «Transmettre la Parole aux enfants», «Prier avec le corps», «Bâtir des visuels reliés aux préoccupations actuelles», etc. Et selon la spécialité d’ALPEC (les animateurs-trices de la musique en paroisse connaissent bien leurs œuvres et les ont abondamment utilisées), nous avons réalisé une création collective. Malheureusement, je n’ai pas souvenir du chant que nous avions composé alors. J’ai toujours continué à oeuvrer dans le domaine liturgique.

Autre tâche que j’ai bien appréciée : on me demanda de confectionner le semainier paroissial. Dans mes cordes! Notre secrétaire-réceptionniste, de la communauté des Sœurs Sainte-Croix, débordée par l’immense tâche de cette très grosse paroisse, appréciait de se départir de ce travail hebdomadaire, qu’elle trouvait fastidieux.

Mais bientôt, la ‘grande demande’! Le curé m’invita à prêcher la Parole une fois par mois. Vous savez qu’on dit que la deuxième grande peur après celle de la mort, est celle de parler en public. Je confirme! Vive l’aube blanche qui me permettait de cacher mes genoux s’entrechoquant! Pauvre prêtre, et malheureux paroissiens qui enduraient si patiemment mes longues et intellectuelles homélies! Quand on débute dans le métier, on veut tout dire dans le même discours, faire le tour complet de la question, comme si nous n’aurions plus d’autre occasion de le faire… Des saints, ces gens, je vous le confirme!

Un autre grand défi s’ajouta dans les premiers mois de mon stage : la pastorale scolaire au primaire. À cette époque, nous avions encore l’extraordinaire privilège d’entrer dans les écoles et de créer de bons liens avec les professeurs, les élèves et tout le personnel. Le problème : je n’avais jamais fait ça. Et, honnêtement, si j’avais une critique à faire de notre formation de futurs-prêtres (en tout cas, à mon époque) : plus de pastorale s.v.p., moins de théologie dogmatique. Nous arrivions en paroisse, forts de nos connaissances intellectuelles mais pas du tout équipés (sinon par nos expériences passées d’engagement en paroisse) pour le concret de la transmission de la foi à tous les âges de la vie et le service pastoral au quotidien. Nous apprenions sur le tas, souvent par essai/erreur.

Heureusement, encore une fois, Sœur Madeleine, déjà bien intégrée et appréciée dans les écoles du quartier, me fournit plein de matériel et de trucs pour que je bâtisse mes activités, et ce, pour tous les élèves, de la maternelle à la sixième année, que nous visitions environ mensuellement. ‘Armé’ de mon clavier (Dieu, que je regrettais de ne pas avoir appris la guitare!) et de mes affiches et bricolages, je passais de classe en classe, espérant toucher les cœurs. Dans les premières semaines, Madeleine me présentait à tout le monde, et me regardait aller, discrètement. Nous évaluions ensuite, corrigions le tir lorsque nécessaire, mais bientôt elle me laissa voler de mes propres ailes. «Sois toi-même, laisse parler ton cœur, fais-toi confiance et surtout  à l’Esprit qui t’a fait des dons et des charismes, prie tes activités», disait-elle avec sagesse. Nous nous sommes alors partagé équitablement les classes, ce qui allégeait la tâche de ma consoeur. Elle me confia surtout les plus vieux, qui se réjouissaient d’avoir un animateur relativement jeune. Je participais aussi le plus souvent possible aux réunions d’animatrices-animateurs de pastorale scolaire dans la région et au plan diocésain afin de me perfectionner. Tellement enrichissant!

Mais à partir de 1984, au Québec, un grand virage se prépare en ce qui concerne la catéchèse et la pastorale dans les écoles.

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1984 : virage ou…naufrage?

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