À 15km de Repentigny (30)
J’avais une cousine bien-aimée, Jeanne, décédée trop tôt malheureusement, atteinte d’une maladie
dégénérative dans la dernière partie de son existence. Fille d’un oncle du côté maternel, celle-ci était un rayon de
soleil dans nos vies. Quels sourire et rire extraordinaires. Outre sa maladie
tardive, elle avait vécu plus jeune une période de souffrances intenses, mais elle s’était
relevée grâce à sa foi, sa nature optimiste, ses quatre enfants bien-aimés et
tous ceux et celles qui l’entouraient de leur compassion et de leur affection.
Ma petite famille faisait partie de ses plus proches. Parmi les nombreux
souvenirs, je me rappelle sa présence réconfortante lorsque j’arrivai en trombe
à Montréal-Nord pour annoncer le suicide de mon ami à ma mère (cela fera 40 ans
ce 22 octobre). Jeanne honorait ma mère de sa visite et le beau visage ému et
empathique de ma chère cousine me fit beaucoup de bien, tout comme sa chaleureuse
accolade, plus parlante que bien des mots.
Depuis
longtemps, nous allions visiter Jeanne à Repentigny (banlieue située
directement à l’Est de l’île de Montréal, près du pont Le Gardeur ou du pont de
l’autoroute 40). Nous avions intensifié nos ‘tours de machine’ -comme on disait
à l’époque- vers son domicile après sa douloureuse séparation. Nous nous
faisions proches de ses jeunes enfants et avions développé un bel attachement.
Que de bonheur aussi lorsqu’ils nous rendaient la pareille et venaient se
baigner dans notre petite piscine familiale ou prendre un repas chez nous. Joie! Vie!
Un jour de septembre 1986, alors que nous sommes chez ma cousine, elle nous partage que son plus jeune doit se rendre à une pratique de hockey à l’aréna de l’Assomption, mais qu’elle ne peut quitter la maison à ce moment-là pour le conduire. Je m’offre alors spontanément pour parcourir ces quelques kilomètres et rendre ce petit service pas compliqué du tout; une occasion privilégiée de jaser avec mon petit-cousin, très allumé et intéressant. Je ne connais pas le centre-ville de cette municipalité de banlieue mais mon jeune compagnon me guidera. Meilleur qu’un GPS, cet enfant! Je dois préciser que je connaissais un peu cette ville mais exclusivement dans le secteur du rang de la Presqu’île. En effet, l’un de mes oncles par alliance y avait acheté une terre pour deux de ses fils qui désiraient, à sa suite, devenir agriculteurs. À l’orée de l’âge adulte, ils emménagèrent à cet endroit et y fondèrent leur famille. Ce fut donc une destination dominicale privilégiée pour mes parents, et moi lorsque possible, d’autant plus que nous avions aussi de la parenté dans une ferme de Le Gardeur, pas très loin…l'un des frères de ma mère, le père de Jeanne, et plus tard, son frère, mon cousin. En fait, nous n’allions jamais dans la partie urbaine de ce coin de pays, d'aucun intérêt pour nous. Nous repartions de ces belles fermes avec d'immenses sacs de poireaux et de céleri, bien contents de notre communion avec la nature et les nôtres qui cultivaient la terre avec tant de vaillance, de compétence, d'amour et de soin. Je n’oublierai jamais mes balades à pied dans les champs, au mois d’août, dans la grande tranquillité puisque les cultivateurs ne travaillaient généralement pas le dimanche, à cette époque. Les grillons, les bonnes odeurs de terre et de foin, les fleurs sauvages, les traces des différentes récoltes qui progressaient, le soleil moins ardent qu’en juillet; que de satisfactions pour l’âme. La sainte paix, extérieure et intérieure.
Me voilà
donc en route vers la patinoire intérieure de l’Assomption. En passant devant l’immense
église de cette paroisse, P.-A. me dit tout à coup : est-ce que ça se
pourrait que tu sois nommé stagiaire dans cet endroit? Au courant de mon
attente d’une nouvelle nomination, il m’affirme qu’il aimerait bien que je vive
et travaille aussi proche de chez-lui et du complexe sportif qu’il fréquentait
régulièrement. On pourrait se voir plus souvent encore, espérait-il. Je lui
réponds alors de ne pas se faire de fausses joies, que cela me paraît tout à
fait improbable étant donné que ça se trouve vraiment loin du cœur de Montréal,
à grande distance de l’archevêché où ont lieu les rencontres pour le stagiaire
et son curé… C’est pratiquement situé à l’extrémité Est du diocèse, tellement
que plusieurs croient que ça fait partie de celui de Joliette (ce qui ferait
sens. Mais paraît-il qu’à la fondation de ce dernier, Montréal a voulu garder
ce secteur en raison du fameux Collège de l’Assomption, qualifié alors par
plusieurs de ‘pépinière de prêtres’). Je ne voulais pas que mon petit-cousin
soit déçu lorsqu’il apprendrait que je suis nommé quelque part sur l’île de
Montréal, plus proche de Mgr Grégoire… Les chances m’apparaissaient vraiment
minces qu’on m’envoie en banlieue éloignée. Allait-on me nommer dans ma
paroisse d’enfance, comme on me l’avait offert pour mon premier stage? (j’avais
refusé et préféré Ville Saint-Laurent. Je voulais m’éloigner de ma zone de
confort et de ce que je connaissais par coeur. J’aime les défis. Et Jésus dit que
nul n’est prophète en son pays, non? Mais, cette fois, allais-je prendre la même décision, si ça se présentait?)
Environ une
semaine plus tard, je reçois l’appel à la fois tant attendu et anxiogène :
on m’annonce avoir trouvé un endroit de stage en la paroisse de l’Assomption.
Notre-Dame de l’Assomption sur la rue Hochelaga? demandai-je.
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La semaine
prochaine : Histoire de porte