Bienvenue ou au revoir? (32)
Dans l’expectative
anxieuse, j’attends que M. Robillard me fasse part de sa conversation avec mon
curé de premier stage. M’avait-il noirci aux yeux de l’homme d’Église assis
devant moi? Ou pire, démoli? Commençais-je cette rencontre avec un préjugé
négatif me précédant et me nuisant?
Mais non.
Contre toutes attentes, le pasteur de Saint-Hippolyte a mis la faute de mon
renvoi sur un ‘banal’ problème de personnalités mal assorties. Apparemment, il
me trouvait de nombreuses qualités et forces, et suggérait fortement à M.
Robillard de me prendre comme candidat, s’il percevait que nous formerions une
bonne équipe. Au final, il n’avait rien trouvé de sérieux pouvant bloquer mon
cheminement vers la prêtrise. Je savais pertinemment que c’était le cas, mais quel
soulagement pour moi de l’entendre dire clairement!
Et Jean
(Robillard) de me dire que, paradoxalement, les choses que mon premier
responsable de stage m’avait reprochées, lui donnaient le goût de m’accueillir dans
son équipe à l’Assomption. Ainsi, il m’intégrerait avec joie, si l’entrevue s’avérait
concluante pour nous deux, bien sûr. Il désirait que je sois des plus heureux
avec lui, et que ce qu’il était puisse correspondre harmonieusement avec ce que
j’étais. Déjà à ce moment, nous percevions tous les deux dans le plus profond
de notre être que la ‘paire’ que nous pourrions former s’avérerait mémorable.
Nous avions de part et d’autres certaines appréhensions normales, mais nous
voulions essayer de marcher ensemble et ainsi discerner, dans un constant et
authentique dialogue de deux adultes, la volonté de Dieu sur ma vie, et la
sienne. Sans oublier le ‘faux bourru’ (pardonnez-moi cette expression) vicaire
septuagénaire, M. Émery Laporte, et la communauté entière, impliquée de près dans
le processus, du début jusqu’à l’aboutissement.
Suite à sa
conversation téléphonique avec mon premier responsable d’insertion pastorale à
plein temps, l’abbé Jean me soulignait que ma grande ouverture d’esprit (entre
autres développée par ma formation à l’Université de Montréal, réputée
progressiste en termes de religion; mais je suis aussi fondamentalement ainsi),
mon tempérament dynamique et audacieux (malgré ma timidité naturelle), ma
spontanéité et mes capacités artistiques, entre autres, avaient pesé dans la
balance pour qu’il accepte de me recevoir en entrevue. Comme quoi, ce que l’un
considère comme des ‘défauts’ à travailler est perçu comme qualités par l’autre.
Mais, dans tout cela, soyons affirmatifs, le Seigneur doit avoir le dernier
mot, bien sûr, au-delà des préférences des humains.
J’avoue que
l’étonnement me saisissait devant l’évolution de mon futur curé, lui qui avait
réputation de grande sévérité comme préfet de discipline au Collège, et qui me
semblait maintenant si peu rigide et autoritaire, au contraire. On a le droit
de changer, m’affirmait-il. Vrai! À 67 ans, j’en suis plus conscient que
jamais, et ça continue. Mais il faut le désirer. Et piler parfois sur notre
orgueil. Une expression trop souvent entendue en Église : «Ça c’est
toujours fait comme ça et ça doit continuer ainsi.» J’ai toujours été d’avis
que la nouveauté pour la nouveauté, le changement pour le changement, ça ne
vaut pas cher, surtout si cela contribue à nourrir notre ego sans cesse
désireux de tout ramener à lui. Mais les audaces, la nouveauté et le changement
pour rester fidèles à l’Évangile et aux motions de l’Esprit Saint, voilà ce qui
fait sens, même si ça peut s’avérer exigeant, même ‘crucifiant’. Une eau
stagnante ne peut que croupir. Il ne faut jamais oublier que nous avons un Dieu…
Créateur.
Notre
entrevue, qui semblait concluante de part et d’autre, se termina par cette étonnante
et imprévisible déclaration qui me figea sur place: «Je suis partant pour l’aventure
qui s’ouvre à nous. Mais il y a quelque chose que je ne veux surtout pas…». Mon
cœur s’emballait, mes jambes faiblissaient… Qu’allait-il m’imposer? Le ‘préfet
de discipline’ renaissait-il de ses cendres? J’avais pourtant crû… M’attendait-il
dans le détour avec sa liste de ‘ne pas faire ci, ne pas faire ça’ ou pire, ‘ne
pas être comme ceci ou ne pas être comme cela’? Il me semblait bien, aussi, que
c’était trop beau pour être vrai, jusque-là. Il attendait la fin de l’entrevue
pour me mettre un lourd joug sur les épaules. Vraiment?
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La semaine prochaine: Et le tapis rouge, lui?