Les premiers pas -1 (36)
Je suis un peu sous le choc, dans cette réunion du Conseil de pastorale. Je ne m’attendais pas à une telle demande. J’ai alors très peu d’expérience dans le domaine, en fait. À part ce que j’avais vécu au Grand Séminaire (visite guidée pour des groupes de 6e année), les projets réalisés avec quelques ados à Ville Saint-Laurent, je n’ai jamais travaillé professionnellement avec ce groupe d’âge. Je n’ai même jamais vécu d’appartenance à un mouvement comme les scouts, ou une équipe de sport. Oui, je me suis beaucoup impliqué dans la musique et la pastorale au Secondaire, comme participant, mais non comme responsable. Dans mon groupe d’amis, de l’enfance à l’adolescence, je pense avoir été un bon ‘leader’ positif, mais de là à fonder et piloter la pastorale-jeunesse dans une paroisse aussi immense que l’Assomption (où l’on trouve à cette époque deux écoles du Secondaire, l’une publique, l’autre privée). Je me sens anxieux et dépassé avant même de débuter. C’est gros. Mais Jésus a dit qu’avec la foi on pouvait déplacer les montagnes…
Appuyé sur
cette conviction, j’accepte le défi et je me lance. De toute manière, je crois
profondément qu’il s’agit d’une mission essentielle, incontournable. À part les
messes familiales dans lesquelles je suis, encore une fois, impliqué ‘jusqu’au
cou’, et qui rejoignent surtout les enfants du Primaire, je ne vois rien dans
le cadre de la paroisse qui soit offert spécifiquement aux ados. Bien entendu,
l’animatrice de la pastorale à la Polyvalente Paul-Arseneau et l’animateur au
Collège, font un boulot extraordinaire, mais, clairement, on veut aller plus
loin, pouvoir créer des ponts entre ce milieu scolaire et la paroisse. Si ma
mémoire est fidèle, nous avions au moins l’animatrice de la PPA autour de la
table du Conseil paroissial, une pratiquante régulière qui portait
prioritairement le souci d’une véritable place aux ados dans la communauté
chrétienne, et tenait mordicus à ce qu’on ne les considère pas seulement comme
des ‘exécutants’ de nos idées et plans. Avec raison! Dans mon nouveau rôle, j’allais
d’ailleurs m’appuyer solidement sur la compétence et la vaste expérience d’Odette
(PPA), tout au long de mon séjour à l’Assomption (J’imagine que l’animateur du
Collège faisait partie de notre Conseil paroissial, mais cela reste plus flou
dans mes souvenirs. Et je me rappelle qu’il y a eu plusieurs animateurs différents
en quelques années seulement. Ce qui a complexifié la collaboration.).
À partir de
là, je demandai aussi l’aide du diocèse de Montréal. À cette époque, sauf
erreur, l’office de pastorale-jeunesse n’avait pas encore été créé, et on
constatait que les ressources dans ce domaine s’avéraient extrêmement rares. On
ne voulait pas négliger les 12-18 ans, mais nous n’avions pas encore ressenti,
peut-être, ce besoin de penser à eux aussi directement. Quelques décennies
auparavant, la vie ecclésiale locale se voulait de facto familiale, intégrant
automatiquement les jeunes dans la pratique dominicale (tous ‘assistaient’ –disait
mon père- à la messe). Mais nous n’étions pas encore entrés dans la mentalité conciliaire
de l’Église communion, où tous les baptisés sont invités à participer
activement et directement non seulement à la liturgie mais aussi à l’élaboration
du plan d’action pastorale. Je crois qu’après Vatican II, beaucoup portaient ce
rêve d’une jeunesse réellement pro-active en Église, cela inspiré par le Saint
Esprit, mais on voyait plutôt la désertion des églises, surtout par les jeunes.
Déjà au
début de mon cheminement vers la prêtrise, on constatait qu’une fois la
Confirmation faite (en 5e , puis en 6e année), nous ne
revoyions généralement plus ces garçons et filles (ce n’est pas d’hier, comme
vous le constatez.). Un peu comme si ce sacrement se voulait non pas comme le
début d’un nouvel engagement en Église, mais un diplôme de fin de parcours qui
nous libère enfin de cette dernière et nous permet de passer aux choses plus…importantes…
Je caricature à peine.
Dans la
période post-Concile, plusieurs expérimentations se sont vécues pour garder les
gens dans la fidélité à la messe. J’ai participé moi-même, comme enfant et ado,
aux fameuses eucharisties dites «à go-go»; quelque peu divertissant, sans plus...dépendant
aussi de la qualité des intervenants (incluant le prêtre), avouons-le. On
essayait des choses modernes, louables tentatives d’inculturer la pratique
religieuse, sans doute, mais tant que cela ne s’inscrit pas dans une rencontre
profonde avec le Christ, on ne fait que changer la forme, parfois pour le pire.
Un de mes profs de sacramentaire disait que, dans ces essais, la dimension
verticale, lien avec Dieu, avait peut-être été trop oubliée par rapport à la dimension
horizontale (fraternité, culture de l’époque, etc.). Je n’épuiserai pas le
sujet ici. Dans mon cas, ça ne prenait pas racine au fond de mon âme assoiffée
du Seigneur et de son Évangile. À part les homélies des trois prêtres (oui, un
curé et deux vicaires!), les sources de nourriture spirituelle chrétienne s’avéraient
plus rares dans notre société en ‘révolution tranquille’. Imaginez que j’ai
failli devenir ‘Témoin de Jéhovah’ par l’influence de deux amies
extraordinaires qui portaient la même faim que moi et avaient été approchées
par les membres de ce mouvement. Sans l’interdiction ‘musclée’ de mes parents,
j’aurais répondu à l’invitation de ces deux sœurs que j’aimais tant et
participé à une première étude biblique qui m’aurait mené Dieu sait où… Malheureusement,
après leur ‘baptême’, elles ont totalement coupé tout contact avec moi. Cette
douloureuse expérience me marqua au fer rouge et m’interpella sérieusement. Qui
sait à quel point cela ‘colora’ la suite de mon adhésion au Christ…? Rien pour
rien, dans le divin plan.
Tout ceci
dit, que fut la suite concrète de la demande du CPP? Je me suis mis au boulot
le lendemain, rempli d’espérance et d’enthousiasme!
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