Les messes jeunesse - 2e partie (42)
Ceux qui me connaissent savent que j’ai un immense amour, infiniment de respect pour le sacrement de l’Eucharistie. Je suis d’accord qu’il y ait un certain cadre pour qu’on s’assure qu’effectivement le déroulement demeure respectueux et pertinent, riche de l'héritage ecclésial et de sa Sagesse.
Et je crois
tout aussi profondément qu’à l’intérieur de ce cadre universel, redéfini à la
suite de Vatican II, il y a place à la liberté des enfants de Dieu, place à
l’action de l’Esprit Saint à qui nous devons laisser suffisamment d’espace pour
qu’il puisse se manifester et agir. Rarement a-t-on perçu l’action de l’Esprit
Saint dans la fermeture, la rigidité et l’étroitesse...d’esprit. Et, personnellement,
j’ai toujours cru que tout ce qui demeure stagnant finit par croupir. Tout
rituel figé manque de vie et amène un grand risque de tomber dans une routine
asséchante où l’on ne prierait Dieu que du bout des lèvres. Et on sait ce que
Jésus pense de la prière faite sans que le cœur y soit.
Voilà
peut-être l’une des raisons du désir des jeunes de ‘bâtir’ des messes spéciales
, loin des redites plates et sans saveur. Quel beau lieu de créativité, que l’Eucharistie,
si l’on désire y mettre du temps, de l’énergie et ses talents. Évidemment, tous
ne voient pas cela ainsi… Je me rappelle l’une de ces eucharisties-jeunesse où
j’avais pris le temps de préparer l’assemblée aux chants, dans l’allée
centrale, en faisant répéter les refrains et, à certains moments, taper des
mains en rythme. La semaine suivante, je reçois une lettre anonyme d’insultes,
venant d’une personne sans doute pieuse mais profondément agacée par mon
attitude. La personne écrivait qu’il n’était pas surprenant que «l’Église s’en
aille chez le diable, avec des prêtres comme moi, qui s’acharnent à la détruire
et tentent avec leur musique et leurs danses de sauvage.» Bon. Quelle fureur. Et
quel malentendu… Comme le demande le Concile, je voulais seulement favoriser la participation pleine et active de l'assemblée. Je ne peux qu’espérer que cette personne soit restée à la célébration pour
constater la foi, la joie et l’amour qui s’y vivait… Mais selon la missive, elle l’avait
vécue dans une grande colère et souffrance. Dommage. Sachez que cette ‘attaque’
fut un coup dur pour une personne sensible comme moi et qui, de surcroît,
débute dans la profession. Anonyme, en plus… Oui, d’accord, il ne faut pas en
tenir compte et se sentir abattu par une critique destructive (fallait voir le ‘ton’
de la missive…), mais je l’ai reçu comme une gifle. Je m’en suis remis mais ce
fut long et difficile pour moi de ne plus entendre ces mots dans mon for
intérieur à chacune des messes familiales et jeunesse. Sachez que ce ne fut pas
la dernière fois que je fis face à ce genre de réaction. J’ai souvent ‘dérangé’,
semble-t-il. Pourtant, je ne voulais pas jouer au rebelle ou au dissident. Je
désirais écouter le Paraclet et, dans la confiance, aller de l’avant. Certaines
personnes démonisent tout progrès, toute évolution dans la liturgie (et dans
d’autres domaines). Il s’agit d’étudier sérieusement l’histoire de notre Église
depuis deux millénaires pour comprendre que la forme d’un sacrement peut
changer sans que son sens profond soit dénaturé. Faites une petite recherche,
par exemple, sur le sacrement du Pardon au long des siècles…
Quoi qu’il
en soit, je comprenais qu’on se sente appelé à vivre des messes où la musique
et le chant, les gestes et gestuelles, les saynettes et sketches, les images à
projeter, la démarche à proposer à l’assemblée, la pro-activité (croyez-moi, on
ne confinait pas les jeunes à un rôle de simples exécutants des idées des
adultes impliqués, comme je l’ai malheureusement vu trop souvent dans des
projets-jeunesse), le ton fraternel et détendu, correspondent davantage à leur
culture et à ce qu’ils sont à cette période de leur croissance. Nous
commencions par lire et méditer les textes bibliques proposés ce dimanche-là,
particulièrement l’Évangile. Nous écoutions ce que disait le Seigneur dans nos
cœurs et travaillions à arrimer cela à notre vie concrète. Nous cherchions
ensemble comment incarner les résultats de nos cogitations dans les grands
moments de la messe avec une assemblée multi-générationnelle. Dans l’Église,
depuis Vatican II, on parle souvent d’inculturation de la foi. Après Paul VI,
Jean-Paul II fut un grand propagateur de cette vision. Mgr Turcotte nous avait
invité à cette liberté évangélique, lors d’une rencontre diocésaine de prêtres,
tout en nous défendant de toucher aux paroles de la Consécration. Pour le
reste, soyez audacieux, avait-il dit, tout en gardant l’essentiel du
déroulement. Voilà un évêque évangélique!
(À suivre…)