Les messes jeunesse -suite et fin (43)
Comme je le l'affirmais précédemment, la messe s’avère un lieu privilégié de créativité, d’expression,
tout en demeurant un puissant moyen d’évangélisation. La Parole de Dieu, et l’homélie
qui la prolonge et la déploie de façons diverses, constituent des ‘outils’
fondamentaux pour apprendre à connaître le Seigneur, sa Volonté, et ses
attentes en ce qui concerne l’incarnation de son message dans notre vie
concrète. Un exemple de thématique développée à partir des textes bibliques d’un
certain dimanche : le service. Nous savons qu’il s’agit d’une composante
incontournable de la vie chrétienne parce que ce fut primordial dans le
ministère de Jésus. Le comité des jeunes avait proposé que nous bâtissions une
immense pompe à essence dans le chœur et qu’un des ados entrerait soudainement
dans l’allée centrale avec son scooter (très prisé, à l’époque) en disant qu’on
l’avait informé que l’Église était comme une station-service (libre-service ou
avec service?). Une fois la surprise et l’étonnement passés, commençait l’échange
affirmant que l’Église est plus qu’une distributrice de services, où on prend
rapidement ce dont on a besoin, et qu’on quitte aussitôt qu’on a fait le plein
et payé… Qu’est-elle, alors? Que viennent faire la messe et la prière dans tout
ça? Que signifie ‘servir’? Que signifie ‘faire le plein’, dans un vécu
ecclésial? Comment cela se réalise, justement, et pour quoi faire ensuite? Cela
s’inscrit-il dans une appartenance qui suscite un engagement et une fidélité à
long terme, devant Dieu et les Hommes? Etc. Vous me suivez? Je n’aurais pas
assez d’un livre entier pour vous partager tous les exemples de ce que j’ai
vécu en quarante ans en termes de messes de jeunes. Édifiant!
Un autre
exemple : une messe de Noël (toujours la plus facile à préparer, tellement
le sujet s’avère vaste et riche, mais exigeante, en même temps, pour rester
pertinente sans verser dans la nostalgie passéiste). Les jeunes voulaient, par
une saynette, exprimer différentes manières de vivre cette fête dans notre
société. Le sketche commence par la scène d’un groupe d’ados réunis pour ‘faire
le party’. Bières à la main (de l’eau, bien entendu), ils se demandent où est
passée telle amie… En se moquant : «Elle doit être allée à la messe de
Minuit!» Réactions moqueuses de jeunes qui se demandent si elle est normale…
«C’est dépassé, la messe. Pas besoin de ça à Noël, ni jamais, d’ailleurs. » Etc.
La jeune fille arrive finalement et le dialogue se poursuit avec elle, sans
jugements. Suivra une brève intervention par le prêtre pour boucler la boucle.
Je résume beaucoup. À plusieurs occasions, plus rarement à Noël (quoi que je l’ai
fait aussi quand je sentais l’assemblée réceptive à cette approche), nous avons
suscité un partage, un dialogue avec les gens. Ce qui, forcément, allongeait un
peu la célébration. On l’acceptait généralement assez bien parce que cela s’avérait
souvent très riche de sens.
Nous ne
devons jamais oublier bien sûr que le culte s’adresse prioritairement à Dieu et
que c’est lui qui a pris l’initiative de nous y convoquer. Le Seigneur demeure
le premier concerné dans notre liturgie. Il désire que nous lui exprimions
notre Adoration, notre Amour, notre respect et notre gratitude, pour notre plus
grand bien, sans doute. Mais la messe ne se vit pas comme un sens unique. Elle
provoque et réalise une rencontre entre Lui et nous; il en profite pour nous
rejoindre, nous façonner, nous restaurer, nous re-convaincre et nous faire
bénéficier de son Amour inconditionnel, total et éternel et nous inviter à le
rendre célèbre et le partager généreusement, sans égoïsme. De plus, à cette
occasion, il crée et solidifie les liens entre nous, ses enfants bien-aimés. J’ajouterais :
il n’y a pas de place pour l’égocentrisme, les monopoles et le culte de la
personnalité de qui que ce soit, dans l’Eucharistie, quel que soit son rôle
dans celle-ci. Cela serait profondément anti évangélique et tellement non conforme
à la nature et aux visées profondes de notre Dieu.
Une
question importante : mon curé de l’époque réagissait comment devant tout
cela? Jean m’avait donné carte blanche. Avant que je sois ordonné, il
présidait, bien sûr, mais me donnait l’espace nécessaire et respectait mes
‘douces folies’ liturgiques. Il m’avait toutefois prévenu : sa première
réaction lorsqu’on lui présentait un projet un peu sortant de l’ordinaire…c’est
d’abord non! «Je suis fait comme ça», me confiait-il. Puis avec une certaine
argumentation constructive et le respect profond de ce qu’il était, le non
pouvait devenir un beau ‘oui’. Mais, quel long processus, me semblait-il. À
certains moments, le temps (et ma patience?) manquait pour le convaincre, alors
je lui faisais de belles surprises, lors de certaines célébrations… En voici un
exemple : à la fin d’une année pastorale, quelques-uns de mes jeunes
m’avaient demandé de conclure la saison par un ‘rap’ avant la bénédiction
finale. «Pars un rythme de rap avec ton clavier, et on s’occupe du reste!» Ils
m’ont présenté le texte, vraiment un excellent résumé de ce que nous avions
vécu ensemble en pasto-jeunesse depuis des mois. Alors, oui, allons-y. J’embarque!
–dis-je. Quelques petites pratiques (secrètes), et ce fut dans la poche. Voilà
qu’arrive la fin de la messe en question. Je demande gentiment au curé de
s’asseoir sur le côté avant de nous bénir, et de profiter de ce qu’avaient
préparé nos belles jeunesses. Je l’observais discrètement pendant le rap…je
craignais qu’il fasse une crise d’apoplexie! Je ne l’avais jamais vu aussi
cramoisi! Mais il a finalement repris ses esprits et avoué que…tout en le
bousculant, c’était pas mal intéressant. Et il me dit, devant tous : «Tu
as trouvé le truc, mon ‘délinquant’ : me mettre devant le fait accompli,
sans m’avertir d’avance. C’est habile. Tu as raison, avoir su d’avance, je
t’aurais dit non. Mais maintenant, je dois dire que j’ai apprécié, et les gens
aussi.» (salve d’applaudissements de la part de l’assemblée. Fierté des
jeunes!). Le lien d’amitié qui nous unissait me permettait d’aller jusque-là
sans m’aliéner mon curé de stage.
En revoyant
dans ma mémoire tout ce bon travail accompli durant des décennies, je rends
grâce à Dieu et suis convaincu que lui, notre Créateur/Créatif par excellence, loin
d’être figé et sclérosé, a chanté et dansé avec nous, qu’il a grandement estimé
nos efforts, que son Cœur Vivant et Miséricordieux s’en est réjoui et qu’il
nous a bénis en abondance. Magnificat!
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La semaine
prochaine : Pas sortis du bois.