Des collaborations précieuses - 3 (47)

 


On les reconnaissait à leurs bagages. En effet, les animatrices de pastorale (assez rarement des hommes) au primaire (APSP) n’avaient généralement pas de local à elles, dans les écoles, et devaient, à chaque visite, transporter tout leur matériel d’animation. Comme elles s’adressaient aux enfants de 1ère à 6e année, l’aspect visuel s’avérait très important. Donc, d’immenses affiches, du matériel de bricolage, de grands livres avec plein d’images, des marionnettes, et j’en passe. Heureusement que dans certaines institutions, elles pouvaient se déposer un peu dans la salle des profs. Ces derniers appréciaient généralement beaucoup ces personnes qui, parfois, recevaient d’intimes confidences. Parmi le personnel de l’école, incluant les employés de soutien, plusieurs personnes profitaient de la présence de ces animatrices pour déposer une partie de leur fardeau et demander des prières.

Mandatées par l’évêque, suite à un ensemble de cours obligatoires qui s’enrichissaient sans cesse par des rencontres diocésaines ou en secteur pastoral (chez-nous, les animatrices se réunissaient régulièrement pour travailler leurs activités ensemble, beau brassage d’idées), des lectures et des recherches personnelles, des congrès, des retraites, les APSP vivaient une formation continue. Les paroisses (une ou plusieurs) couvraient une partie de leur salaire, et le diocèse complétait ou même suppléait lorsque nécessaire. Les écoles bénéficiaient donc de ce service en toute gratuité. Jusqu’au jour où le gouvernement, dans son mouvement de laïcisation, nous sortit de là. Quel deuil terrible. Je l’ai vécu assez durement. À partir de cette époque, les liens avec les enfants se faisaient plus rarissimes et cela paraissait lors des messes familiales (qu'auparavant nous annoncions avec enthousiasme lors de nos interventions scolaires, sinon verbalement tout au moins par des affiches, devenues interdites par la suite…) et dans le nombre de familles demandant les sacrements d’initiation.

Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai moi-même été animateur de pastorale au primaire, et j’ai pu apprécier en première ligne la valeur de ce travail dans le milieu scolaire. Mais déjà, depuis des années, certains enseignants me confiaient leurs doutes sinon leur incroyance (en Dieu, ou en l’Église catholique, ou les deux) et, conséquemment, leur malaise d’enseigner la religion. Le monde changeait, et rapidement. Dans un blogue des débuts, je vous ai expliqué les différentes étapes de l’évolution de l’enseignement religieux dans les écoles du Québec. Je dois dire que, déjà dans mes débuts, lorsqu’une période devenait nécessaire pour un projet spécial de l’établissement, les 45 minutes de religion (hebdomadaires, si ma mémoire est fidèle) écopaient souvent. Plus on avançait dans les années, plus cela arrivait régulièrement que notre activité pastorale était déplacée sinon annulée… Je me rappelle m’être rendu dans une école avec tout mon matériel, incluant mon piano, pour me faire dire : «Tu n’as pas su? C’est annulé pour aujourd’hui en raison de… Et on ne peut re-programmer. On se voit le mois prochain.» On finit par se sentir moins nécessaires et appréciés. Mais on passe par-dessus, et on continue, par amour, pour Dieu et sa famille. Pourtant, paradoxalement, je dois dire que même les profs les plus mal à l’aise avec cette matière appréciaient grandement notre présence et ce que nous apportions aux élèves en toute gratuité et avec passion. Ces derniers vivaient cette période comme une détente, et plusieurs profs me disaient avoir été surprenamment  touchés en profondeur, et même s’être rapprochés de Dieu suite à nos interventions. Un bon nombre nous confiait souffrir de ces rendez-vous manqués pour des raisons parfois…discutables. Un peu difficile à saisir, tout ça? Je vous comprends. La complexité de la question religieuse au Québec ne cessera jamais de m’étonner.

Je voulais aujourd’hui exprimer ma reconnaissance envers ces animatrices qui m’ont grandement fait bénéficier de leur expérience, quand je fus appelé, au début de mon cheminement, à animer moi-même et, plus tard, à les accompagner en tant que prêtre, à certaines occasions. Elles me demandaient de témoigner de mon cheminement, ou de les aider dans une activité plus axée sur la vie en Église, par exemple. La préparation des sacrements se faisait désormais dans les paroisses, mais elles désiraient justement que les jeunes rencontrent leur pasteur de temps en temps pour se familiariser avec lui, et répondre à leurs questions. Dans certains cas, cela liquidait leurs anxiétés par rapport, entre autres, au sacrement du pardon.

Quand la pastorale-jeunesse de tout le secteur (huit communautés) me fut confiée en 1993, et que nous commencions à offrir ce service aux enfants de 6e année qui vivaient leur Confirmation cette année-là (comme un suivi possible), les APSP m’ouvrirent grandes les portes et me permettaient généreusement de prendre de leur temps d'intervention pour aller faire connaître cette nouvelle opportunité et inviter les jeunes à s’inscrire éventuellement, après en avoir parlé avec leurs parents et reçu leur approbation.

Entre autres souvenirs, je me rappelle avoir assisté aux pièces de théâtre des animatrices, qui allaient d’église en église, et d’école en école, présenter la vie d’une sainte ou d’un saint (j’ai moi-même joué le rôle de l’époux de la vénérable Rosalie Cadron-Jetté, née à Lavaltrie en 1794; père de onze enfants, Jean-Marie mourut relativement jeune, ma présence sur scène ne durait donc pas très longtemps. Par contre, je jouais du piano en coulisses. Nous transportions et installions –et démontions- tous les décors, éclairage, son, à chaque représentation.  Heureusement, des amis, des parents, les concierges ou sacristains nous aidaient. Vous imaginez l’énergie requise… Mais quelle belle aventure!)

J’ai mémoire aussi de deux très beaux moments en lien avec le sujet d’aujourd’hui : on m’avait demandé de préparer (en comité, toujours) une Eucharistie et de donner l’homélie pour la clôture d’un congrès diocésain des animatrices à Montréal. Intimidant! Mais nous avions concocté quelque chose de vraiment spécial qui fut assez apprécié. Plus localement, les APSP de mon secteur m’ont invité un jour à animer une intervention à la fin d’un week-end de ressourcement qu’elles s’étaient organisé elles-mêmes au camp Vie-Soleil (appartenant au curé Ernest Beausoleil, de l’Assomption) à Saint-Alphonse. Fous rires, détente, prière, partage, bonne bouffe! Ça valait le déplacement.

Plusieurs de ces personnes d’expérience ont, heureusement, continué de s’impliquer en paroisse (comme agentes de pastorale et/ou RSE-répondantes aux services à l’enfance) lorsqu’on a aboli leur poste dans le système d'éducation québécois. Précieuse collaboration! Soyez-en bénies.

La semaine prochaine, dans un tout autre ordre d’idée : le fameux journal des jeunes

Messages les plus consultés de ce blogue

Bouleversement (2e partie) (Art. 5)

Magnifique 'trinité' (34)

«Me voici!» (Hors-série)