Avant les médias sociaux! (48)
La Providence sait faire. À mon arrivée à l’Assomption, à l’automne 1986, j’aperçois un ordinateur dans un petit bureau près du secrétariat. Mais je n’y touche surtout pas. À Ville Saint-Laurent, un jeune m’avait montré et expliqué son Commodore 64 à cassette, et j’avoue que je n’y comprenais rien. Et je me demandais si ça pouvait vraiment servir à quelque chose. Je voyais là ce qui me semblait un gadget de plus, un jouet pour jeunes. Mais, j’avoue que ça m’intriguait quand même.
Alors, un
jour, je demande au curé Jean Robillard à quoi sert ce ‘monstre’ dans le
bureau… Pour la secrétaire? Lui? Juste un peu de traitement de texte, me disait-il,
en me faisant une démonstration fascinante. Moi qui avait tant sué à écrire des
centaines de pages à la machine à écrire, pour mes travaux universitaires et
même dans mon stage à Ville Saint-Laurent, en gaspillant tant de papier à cause
d’une erreur de frappe ou un paragraphe qu’il fallait rajouter ou enlever. Je
n’étais pas vraiment fan du liquide ou du ruban correcteurs. L’ordi demeurait
globalement un mystère pour la secrétaire et le prêtre. Les marguilliers
avaient tout simplement décidé, avec raison, qu’il était temps de se procurer
un ordinateur pour ne pas manquer le bateau de l’avenir. L’informatique allait
effectivement devenir bientôt quelque chose de très important, universellement.
Alors, voilà qu’à l’Assomption, on allonge quelques milliers de dollars pour un
écran cathodique monochrome vert, une imprimante thermique avec feuilles
trouées, et surtout le processeur (je ne me rappelle pas de sa puissance, en
avait-il? ;)) sans disque dur, une mémoire vive de quelques kilo-octets, et un
lecteur de disquettes souples (5 pouces et quart). Comme je me montrais
intéressé, Jean me demanda si j’acceptais d’étudier la machine pour qu’elle
serve peut-être à plus que le traitement de texte. Je trouvais que c’était déjà
l’essentiel, mais j’acceptai d’investiguer davantage. La paroisse avait un plan
de service, mais on n’allait tout de même pas réquisitionner un technicien à
tout bout de champ… Il sortit rapidement des armoires des immenses cartables et
livres qu’il déposa sur la table près de moi, alors que j’étais déjà assis
devant l’écran à essayer de découvrir des fonctions.
Précisons
que nous ne sommes pas encore à l’époque de ‘Windows’. Tout fonctionne avec le
langage MS-DOS, c’est-à-dire des commandes que nous devons écrire pour que
l’ordi accomplisse une tâche particulière, vous vous rappelez de ça? Il faut
apprendre les codes ou tout au moins avoir une liste des principaux, tout
proche de nous. Comme je ne m’intéressais pas tant à la comptabilité et aux
colonnes de chiffres ou de données (désolé, Jean et les marguilliers, je devine
que cela vous aurait beaucoup plu), je me suis plongé dans le traitement de
texte et le graphisme, vous vous en doutez. Je raffolais du fameux petit
logiciel ‘Print Shop’. Je pouvais choisir un dessin (très minimaliste!) et
l’imprimer! Wow! La secrétaire a grandement apprécié la chose pour le semainier
paroissial. Mais je n’ai pas pu aller beaucoup plus loin dans l’usage de cet
appareil pour d’autres fonctions, j’avoue.
De là,
éventuellement, m’est venu l’idée de commencer un journal de la pasto-jeunesse.
Dès mai 1987, je propose aux jeunes déjà impliqués en paroisse de venir
découvrir l’ordi et ce qu’on pourrait en faire concrètement. Plusieurs
répondent avec enthousiasme, et nous fondons notre premier comité de rédacteurs
et graphistes. Le premier journal s’appelait ‘Écho Cellule Jeunesse’ puis,
éventuellement, prit le nom de ‘Témoin Jeunesse-à-Cœur’. Hé oui, à la demande
des responsables, les jeunes de la cellule s’étaient entendus à propos d’une
appellation, vraiment pertinente, je crois. Nous avions sans aucun doute la
jeunesse à cœur et notre humble publication deviendrait un témoin privilégié de
cela. Nous voulions un lieu d’expression pour nos ados (et de leurs
responsables) et une manière de faire connaître la pasto-jeunesse et ses
nombreuses activités plus largement que dans le semainier paroissial ou le
prône. Qui sait si ça ne donnerait pas le goût à d’autres jeunes d’embarquer
(même si l’approche de jeune à jeune, en personne, demeure toujours la
meilleure)? À l’époque, pas encore de médias sociaux, de Facebook, TikTok ou
YouTube (hé que j’aurais apprécié cela!). On se débrouillait quand même très
bien dans le partage d’infos. Je n’ai pas réussi à trouver le nombre
d’exemplaires imprimés mensuellement dans les débuts, mais sans doute plusieurs
centaines puisque nous demandions aux deux écoles secondaires (PPA et Collège
de l’Assomption) d’en mettre une quantité à la disposition des étudiants.
Précisons
que ce journal a changé de nom quelques fois au fil des ans (de 1987 à 2000,
environ) : après ceux que j’ai déjà mentionnés, il y eut La Source (je vous
expliquerai dans quelques semaines) puis, jeu de mots, L’Arrêt-Source; enfin,
la PAJE, lorsque nous desservions huit paroisses (dans lesquelles se trouvaient
cinq écoles secondaires).
J’écrivais régulièrement
dans ce journal (incluant parfois des textes que je traduisais de magazines évangéliques
américains comme Youth Group), et agissais comme l’un des correcteurs de
copies, mais les jeunes assumaient tout le reste : conception et dessin du
logo, impression et découpage/collage des illustrations (j’avais acheté
plusieurs albums de clipart; nous avions un excellent photocopieur, en
paroisse. On l’a fait travailler fort!), écriture des articles et chroniques, réalisation
de dessins originaux, choix des jeux et blagues, ou recherche de textes pertinents
à partager (les adultes responsables de la pasto contribuaient à l’occasion).
Le comité du journal se réunissait régulièrement pour évaluer la publication
récente et planifier précisément le contenu des prochains numéros, sans oublier
la distribution des tâches, incluant qui allait couvrir tel ou tel événement.
Un superbe travail d’équipe.