Jour de fête et de joie, Alleluia! -1 (54)

 

(De gauche à droite, mon curé Jean qui me fait l'accolade, Mgr Grégoire, ainsi que le responsable de l'office du personnel, Ivanhoe Poirier, et le recteur du Grand Séminaire, Lionel Gendron)

Après la parenthèse douloureuse de mon accident de voiture, et une fois le Carême, les Jours Saints et Pâques derrière nous, les préparatifs de l’ordination purent se mettre résolument en branle. Disons-le, à l’Assomption, on sait faire!

Mais avant d’aller plus loin, il me faut vous parler de mon magasinage 'sacré', avec ma mère. La tradition veut que les parents du futur-prêtre offrent son calice et sa patène à leur fils. Nous voilà donc à faire deux des réputées boutiques d'objets religieux, à Montréal: Desmarais-Robitaille et Bertrand-Foucher-Bélanger. On ne parle pas ici que d'objets de pitié (comme à l'Oratoire ou la Chapelle de la Réparation), mais aussi d'accessoires et vêtements pour membres du clergé. Au premier, fermé depuis 2016, situé près de la Basilique Notre-Dame, on nous présente de magnifiques oeuvres d'art. Mais je les trouve hors de prix (des milliers de $, en 1989!) pour mes parents, et manquant de sobriété. J'apprécie énormément la Beauté, mais ici, après tout, il s'agit d'outils' servant à célébrer Jésus, pauvre et humble de coeur. Nous nous rendons ensuite chez Bertand-Foucher-Bélanger où rien ne me convenait vraiment. Nous achèterons finalement le moins cher et le plus simple (un bel ensemble coupe et patène sans frioritures pour 'seulement' 400$ avant taxes...) chez Desmarais malgré les manoeuvres, non subtiles, du vendeur tentant de jouer sur les émotions et la fierté de ma mère pour qu'elle dépense davantage. 'Après tout, Dieu vaut bien ça...' Pour les aubes, les étoles, la valise de messe mobile, etc.,avec beaucoup de reconnaissance j'en recevrai quelques-unes en cadeau de 'noces', lors de l'ordination.

Permettez-moi, à ce moment-ci, vous partager ce précieux souvenir : ma rencontre personnelle avec Mgr Paul Grégoire. Celui-ci tenait à rencontrer personnellement chaque futur prêtre quelques semaines avant l’ordination qu’il allait présider: une bonne heure avec lui dans son bureau au 2000 (Sherbrooke Ouest). Qui se rappelle de lui…? Tellement plus réservé et timide que son successeur Jean-Claude Turcotte, Paul n’aimait pas particulièrement le ‘spotlight’. Je me rappelle une rencontre de groupe avec nous, séminaristes de quatrième année, où nous avions dû lui donner d’avance nos questions et où la spontanéité avait eu peu de place dans les réponses –tellement fignolées- comme dans la rencontre entière, d’ailleurs surprenamment scriptée. Mais en privé, ce fut très agréable d’échanger librement avec lui. Je le sentais détendu, intéressé à mon cheminement, heureux de m’accueillir comme l’un de ses frères prêtres et de me partager son propre témoignage de foi et d'engagement à la tête d'un des plus grands diocèses du Canada. Ce temps passé ensemble nous permit tous les deux de nous sentir beaucoup plus à l'aise lors de la célébration.

Je ne voudrais pas oublier non plus de vous parler de ma retraite spirituelle (obligatoire) dans la semaine précédant l’ordination. Je suis allé chez les mêmes religieuses qu’avant mon ordination diaconale; dans cet endroit (fermé aujourd’hui, malheureusement) imbibé de silence, de sérénité, d’esprit de prière d’une qualité extraordinaire. Comme pour ma retraite de pré-diaconat, ç’a brassé fort, intérieurement. Très normal avant les grands choix de vie, n’est-ce pas? Mais la paix s’est installée progressivement jusqu’au grand jour. Heureusement, cette fois, je n’ai pas brisé mes verres sur le plancher en terrazzo de la salle de bain des retraitants. En janvier 1988, j’avais oublié que mes lunettes se trouvaient dans ma poche de chemise (à ne pas faire!)… J’ai donc vécu mon ordination diaconale…dans la brume…avec mes vieilles lunettes toutes égratignées et plus du tout ajustées à ma vue. Dieu soit loué : on ne voit bien qu’avec les yeux du cœur. ;-)

Revenons à la préparation de la fête.

Différents comités se formèrent dès que j’eus ma réponse définitive, tant pour la célébration liturgique comme telle, suivie d’un petit buffet gratuit et ouvert à tous dans la salle de l’école voisine, que pour ma première messe du lendemain ainsi que le dîner officiel de fête au Collège de l’Assomption (avec places payantes).

Deux chorales de la paroisse allaient nous offrir l’animation, l’une plus classique, pour l’ordination, au jubé, accompagnée du magnifique orgue à tuyaux Casavant; l’autre, pour ma première présidence eucharistique, dans le chœur, accompagnée de guitare et petit orgue, davantage dans le style d’une messe familiale. Le dénominateur commun : l’amour et la joie qu’exhalaient ces deux cérémonies lumineuses, et la Beauté, prenant différentes couleurs.

L’église se remplit aux deux occasions. Et des gens de tous les âges s’impliquaient; vous devinez une présence importante des membres de la pasto-jeunesse. Grand week-end de fête pour toute la communauté et pour des gens venant des paroisses voisines, et même de la paroisse de mon premier stage à Ville Saint-Laurent, sans oublier plusieurs représentants de ma communauté d’enfance et de jeunesse où j’avais servi : Saint-Vital.

Très tôt, j’ai demandé à mon amie de longue date, Jocelyne, ferrée en liturgie, de penser avec moi le déroulement de l’ordination. Le rituel ne peut pas vraiment changer, mais on tenait à ajouter de petites monitions pour aider les gens à mieux saisir ce qui se déroule et entrer plus profondément dans le sens des rites et symboles, sans trop allonger et rendre le tout trop lourd. Une avalanche de paroles ne sert jamais la profondeur de la célébration et ne favorise pas l’intériorité. Avec Jocelyne, je ne m’inquiétais pas, ayant grande compétence et discernement, tout en demeurant discrète. N’attirant jamais l’attention sur elle, elle nous conduisait avec doigté dans le déroulement complexe d’une telle messe. Cette dernière, nous l’avons longuement méditée et priée. Cela ne vous surprendra pas, des gens de la paroisse ont confectionné un carnet pour favoriser la participation de l'assemblée.

Mon amie Jojo me partageait, quelques mois après l’événement, qu’elle s’était sentie bouleversée et touchée par une grâce spéciale en ce jour du 17 juin. Se sentant attirée depuis toujours par la vie religieuse consacrée, elle décida de répondre enfin à cet appel et de chercher une communauté qui lui conviendrait, selon la volonté de Dieu. Ma réponse à l’archevêque –qui se voulait surtout réponse à Dieu : «Me voici» résonna très fort en son âme , monta de ses profondeurs et devint son propre cri du cœur. L'Esprit Saint l’avait conduite et mise en contact depuis un certain temps avec des Sœurs de la Charité de Saint-Vincent de Paul demeurant dans l’Est de Montréal, sur la rue de Marseilles. Après un assez long temps de discernement et de compagnonnage avec les religieuses, très proches des immigrants et des démunis, mon amie Jojo fit ses vœux perpétuels. J’ai célébré avec elle, d'autres proches et sa famille religieuse ses vingt-cinq ans d’engagement en 2016. Un Père Trinitaire, ami de très longue date de Jocelyne, a présidé l'eucharistie dans une grande simplicité. Malheureusement, ma Sœur en Jésus nous quitta à l’automne 2022 des suites d’une longue maladie respiratoire dégénérative, qu'elle a endurée avec un grand courage et un édifiant abandon évangélique. Réjouis-toi, fille de David, ton Bien-Aimé t'a ouvert les bras pour l'Éternité. Tu l'as tant aimé et servi sur cette terre. Maintenant, tu peux contempler ton Premier Amour, sans limites, et jouir de sa Présence, sans obstacles. Joie!

Mon amie, Soeur Jocelyne.


La semaine prochaine, on continue vers le grand jour.


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