Voeux ou promesses? (56)


Petit article pour clarifier quelque chose qui suscite l’interrogation : le prêtre fait-il le vœu de pauvreté? Comment se fait-il qu’il puisse avoir une voiture, un chalet, et se payer des voyages, etc.?

Les religieuses et religieux font trois vœux, chasteté, obéissance et pauvreté. Vivant (pour la plupart) en communauté, ils possèdent le minimum. Si ces personnes gagnent un salaire, celui-ci profite à toute la congrégation (tout comme aussi les pensions gouvernementales) un montant leur est laissé pour subvenir à certains besoins personnels (produits d’hygiène, ou une sortie au resto avec des amis ou de la parenté, pour ne prendre que cet exemple). Je ne sais plus si ça fonctionne encore de cette façon, mais autrefois, la personne consacrée devait demander ce montant au/à la responsable de la communauté. Un autre exemple : la communauté peut posséder une voiture, mais elle appartient à tous les membres, qui doivent la ‘réserver’ au besoin. En raison du grand nombre de membres et tout l’argent qui entrait (salaires et générosité sans borne des fidèles catholiques) les groupes de religieux et religieuses d’une certaine époque ont pu acquérir de grands terrains, d’immenses bâtisses, des camps d’été pour les vacances, etc. Ils ont construit des Collèges, des hôpitaux, entre autres, selon leur charisme fondateur. Autres temps, autres mœurs. Mais chaque individu ne vivait pas personnellement l’aisance matérielle.

Quant aux prêtres, cela dépend s’ils font partie d’une communauté religieuse (p.ex. les Jésuites, comme feu notre pape) ou s’ils sont séculiers. Les premiers font les trois vœux et dépendent directement d’un-e ‘supérieur-e’, et ultimement de l’évêque du diocèse auquel ils sont rattachés.

En ce qui concerne le prêtre séculier, qui ne vit pas dans le cadre d’une communauté religieuse, il fait deux promesses, le jour de son ordination : célibat et obéissance à son évêque. Dans l’Église catholique romaine, le célibat se trouve obligatoire depuis des siècles. Ce qui n’est pas le cas dans l’Église catholique orientale. À Rome, on parle officiellement d’une ‘discipline ecclésiastique’ et non d’un dogme, un élément qui pourrait donc changer éventuellement. Précisons que dans notre Église occidentale, le célibat amène la chasteté complète. Pour ce qui a trait à l’obéissance à l’évêque (du diocèse dans lequel le prêtre est incardiné*), on comprend que cela doit s’exercer dans le respect des consciences et du gros bon sens. On ne parle plus, à notre époque, d’une obéissance infantilisante et aveugle. La vision catholique veut toujours que la décision de l'Évêque exprime quasi automatiquement la volonté de Dieu. Mais l'homme, tout épiscope soit-il, demeure pécheur et limité. Autant de responsabilité sur les épaules d'une seule personne peut ouvrir la porte à des abus de pouvoir. On souhaite aujourd'hui que plusieurs personnes s'impliquent dans la nomination et que cela soit vécu dans le dialogue, l'écoute, l'attention aux charismes propres de chacun ainsi que le désir non seulement du bien commun (les besoins concrets de l'Église ici et, possiblement, ailleurs), mais de la santé intégrale du consacré, La prière au Saint Esprit pour l'aide au discernement fait partie intégrale de toutes démarches ecclésiales. Enfin...on le souhaite ardemment.

Autre point important : le prêtre séculier reçoit son salaire et doit le gérer lui-même, comme n’importe qui dans la société. Il doit faire son budget –par exemple, pour ses paiements et l’entretien de sa voiture personnelle, prévoir son avenir financier, puisqu’il ne sera pas pris en charge par une communauté religieuse quand viendra le grand âge, la maladie ou la retraite, donc épargner, cotiser à des REER...et, oui, autre face de la médaille, payer de l’impôt sur tous ses gains. Comme les salaires (fixés par le diocèse) ne sont pas faramineux (surtout si l'on tient compte des diplômes que possède la personne), la paroisse qui reçoit un prêtre, outre sa rémunération dont elle est totalement responsable, lui fournit le logement et la nourriture, ce qui s’avère extrêmement précieux. Pour répondre à une autre interrogation : effectivement, le prêtre séculier a le droit de posséder un chalet ou une maison (surtout possible quand on les reçoit en héritage ;)

Je terminerais en soulignant toutefois que l’Église invite les membres du clergé à vivre sobrement, à l’exemple de leur Sauveur, ce que la plupart font, selon mes observations depuis les débuts de mon engagement ecclésial; l’objectif de notre existence ne sera pas d’amasser et d’engranger le plus de ‘foin’ possible, là n’est clairement pas notre priorité. Jésus a déclaré: «Là où est ton trésor, là aussi sera ton coeur.» (Matthieu 6;21). Mon 'trésor', vous le connaissez très bien. Mon choix n'a pas été ardu à faire. Pour emprunter les termes de Saint Paul aux Philippiens: pour moi, 'tout le reste n'est que balayures'. Notre défunt pape (plus-que-vivant, maintenant!) incarnait visiblement cette conviction: humilité, simplicité.

Tout au long de ma vie active, j’ai choisi de vivre un bon degré de générosité et un bel esprit de partage évangélique dans toutes les communautés chrétiennes où j'ai oeuvré, sans tambour ni trompette. Je me disais : je ne fais que retourner aux paroissiens une partie de l’argent qu’ils ont si durement gagné et me donnent avec joie en rétribution de mon travail. Ça fait sens?

Ce qui compte ultimement, qu'on ait fait des voeux ou des promesses, demeure la fidélité dans notre engagement au don de soi dans l'amour.

J’espère avoir quelque peu éclairé ici votre lanterne sur le sujet annoncé.

La semaine prochaine : Silence, on respire!

*incardination  (du latin ‘cardin’- la charnière) est le statut par lequel un clerc (diacre ou prêtre) est juridiquement rattaché à une Église particulière (un diocèse) ou un institut de vie consacrée officiellement reconnu par l’Église.

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