On étrenne le nouveau!-1 (58)
Au retour des vacances 1989, j'ai vécu la vie habituelle d'un prêtre-vicaire, à grande vitesse. Jean m'avait dit dans son homélie, lors de ma première messe, qu'il me faudrait descendre du Thabor jusque dans la plaine, après la 'lune de miel'. L'heure était venue. Oh que si! Je n'ai jamais tant fait d'écoute individuelle (counseling) de confessions et d'Eucharisties de toute ma vie. Pour vous faire sourire: un aîné, venu recevoir le sacrement du Pardon, me dit, à la fin: «je ne reviendrai jamais plus me confesser à toi. Je voulais 't'essayer', mais finalement tu es trop jeune, tu manques d'expérience. D'ailleurs, aux messes, je voulais que tu le saches, je te trouve trop 'excité'!» Pas de problème, cher monsieur. Vous avez raison pour ce qui concerne mon manque d'expérience. Mais ne me demandez pas de remboursement, parce que le sacrement est une gratuité de Dieu, et l'absolution ne peut pas être retirée... Pas de contingence quant à sa validité, quel que soit le prêtre qui l'offre. Un bon éclat de rire conclut notre rencontre. Mais je ne le revis qu'à...ses funérailles.
Par contre, disons-le, beaucoup appréciaient mon approche résolument à la 'Jésus', mon dynamisme et ma jeunesse de coeur, mon audace évangélique et surtout mon amour passionné pour le Seigneur et son Église-communion.
Les assemblées semblaient aussi plus grosses lorsque je présidais. Même que des gens appelaient au presbytère pour savoir quelle messe je célébrais. Tout à fait normal et pas nécessairement relié à ma personne. Comme on dit: 'Tout nouveau, tout beau', que ce soit Pierre, Jacques ou Jean... (C'est pareil quand on devient curé dans une nouvelle paroisse. Ça s'essouffle éventuellement). Mon curé de l'époque affirmait souvent avec un sourire en coin: 'N'oublie pas qu'il y a un peu de nous autres, là-dedans!', en parlant de moi et de l'investissement fait par la paroisse en faveur de ma vocation. Une fois bien 'testé', les choses sont revenues à la normale, heureusement pour l'ego de mes confrères. On s'en reparle la semaine prochaine ;)
Dans notre première année de prêtrise, nous recevions aussi plusieurs invitations, que nous honorions volontiers, d'écoles privées, de communautés religieuses, de résidences d'aînés, et même de paroisses, qui désiraient nous connaître et bénéficier de nos services pastoraux. Je pense entre autres à des couvents de religieuses ou maisons de frères ou prêtres où les gens priaient pour nous déjà depuis plusieurs années et avaient hâte de vivre une première Eucharistie offerte par nous, souvent suivie d'une sympathique collation partagée. Tout à fait légitime, et cela nous permettait de remercier ces personnes et leur demander de ne pas cesser ce jumelage spirituel. On reçoit vraiment beaucoup d'amour, dans les premiers temps de notre ministère.
Si ma mémoire ne me trompe pas, au Grand Séminaire nous étions jumelés personnellement avec une religieuse d'un couvent de Montréal qui nous écrivait et nous assurait de son soutien. Malheureusement, la mienne décéda avant que je sois ordonné (je vous parlerai aussi un jour du mouvement des Marguerites, groupe de jumelage de ce genre, où chaque pétale de la fleur porte le nom d'un-e priant-e qui nous porte quotidiennement. Quel magnifique cadeau!).
Je me suis fait une joie, vous vous en doutez, d'alller présider une messe dans la paroisse où j'ai grandi et où j'ai assumé la musique de l'âge de 15 ans jusqu'à mon entrée au Séminaire, à 25 ans. Là encore, abondance d'affection...et de bouffe. Que du bonheur!
Dans ce même élan de gratitude, nous sommes de plus officiellement invités à présider une Eucharistie dans la petite chapelle du Grand Séminaire. Je ne pense pas avoir ressenti un plus grand trac de toute ma vie! Une messe et une homélie devant nos anciens formateurs et professeurs, vous imaginez? Probablement que ça se passe surtout entre nos deux oreilles, mais je me suis senti scruté à la loupe, surtout du fait que j'avais étudié ma théologie en grande partie à l'université, perçue comme un peu trop progressiste et pas assez doctrinale (ajoutons que, malheur de malheur, je n'avais pas eu l'occasion de vivre l'atelier 'Comment présider la messe, gestes et paroles, avec caméra vidéo afin d'analyser le tout...). Mais au fond, je pense qu'en vérité les prêtres présents ressentaient une certaine fierté et appréciaient surtout le fait que je me sois rendu à l'ordination et qu'ils avaient quelque chose à y voir. Dans ma classe de dix candidats, seuls trois d'entre nous sommes devenus prêtres, et aucun de mon diocèse... La célébration, encore une fois, fut suivie du souper partagé en toute simplicité avec les confrères et les pensionnaires. J'ai sans doute pris du poids, en '89-'90!
La semaine prochaine: On étrenne le nouveau - deuxième partie.