On étrenne le nouveau -2 (59)
Pour revenir à la paroisse... Lorsque les gens ont saisi que j'aimais prendre mon temps pour célébrer, et que j'essayais de résumer toute la théologie biblique dans chacune de mes homélies, les poignets portant une montre ont commencé à se lever ostentatoirement à quelques reprises durant la messe, et les rangs s'éclaircissaient de semaine en semaine. Pas dupe, le nouveau, ni blessé de ça. J'avais encore beaucoup à travailler dans ma manière de servir, tout en restant moi-même. Ma conviction profonde, de toujours: prendre du temps pour Dieu ne constitue jamais du temps perdu, au contraire. Je ne citerai pas le 'Petit Prince' mais vous voyez ce que je veux dire: le temps consacré à sa rose... Toutefois, il faut veiller à l'équilibre des choses. La capacité d'attention des humains a ses limites et nos bancs d'église ne se distinguent pas par leur confort.
Des sacrements à offrir, il y en avait beaucoup à l'Assomption, à cette époque, je l'ai plus que jamais constaté et expérimenté. Un exemple? Deux cents baptêmes par année, autour de quatre-vingts funérailles, quelques douzaines de mariages, sans oublier les centaines de Première des Communions, Premier Pardon et Confirmation, tout cela non seulement à célébrer mais à préparer. Nous, les prêtres,m nous partagions les tâches. En fait, tous les agent-e-s de pastorale scolaire et paroissiale travaillaient fort, croyez-moi. L'armée de bénévoles engagés permettait une vie dynamique et créative, répondant à une panoplie de besoins, pour tous les âges et toutes les conditions. Personnellement, je m'impliquais de surcroît dans les écoles, plusieurs heures par semaine, sans jamais négliger les tâches habituelles du ministère, et j'appréciais grandement mon lien avec le personnel enseignant et de soutien. Nous étions les bienvenus et les enfants nous attendaient avec le plus beau des sourires. Bon, certains diront que ça leur permettait de prendre une pause des autres matières... Peu importe la motivation, nos rencontres s'avéraient toujours enrichissantes de part et d'autre, et je revoyais souvent les élèves à la messe familiale mensuelle, avec leurs parents et leur fratrie. Je dois dire qu'à la fin des mes journées, qui s'étiraient généralement jusqu'à assez tard, le lit m'apparaissait particulièrement accueillant. Sommeil du juste après avoir donné son maximum et accompli sa mission de service.
Parlant de sacrements, nous avions trois messes par jour, dans cette paroisse. Celle de 7h était assumée par un prêtre retraité du Collège de l'Assomption, qui appréciait se lever très tôt. À ma grande surprise, quelques dizaines de personnes aînées y participaient. Puis, à 8h30, le curé Jean présidait. Enfin, à 16h, le vicaire Laporte et moi-même faisions l'Eucharistie. Un deuxième prêtre du Collège nous aidait, notamment lorsqu'il y avait des célébrations du Pardon ou les messes quotidiennes du mois de Marie (mai) à la magnifique petite chapelle du vieux cimetière de la paroisse. Quand je n'avais pas de réunion en soirée -nous en avions généralement trois ou quatre soirs/semaine- je m'offrais pour jouer de l'harmonium, un vieil instrument fascinant, installé dans le minuscule jubé, dans lequel je devais constamment pomper de l'air avec deux grosses pédales. Mon cardio artistique et spirituel! On se reparlera un jour de la place du chant et de la musique dans ma vie, une passion!
Quant à la pastorale-jeunesse, elle continuait son petit bonhomme de chemin; de beaux projets nous rassemblaient et nous faisaient grandir dans une communauté vraiment inter-générationnelle. Un jour, une personne de la paroisse nous dit qu'elle n'enverrait jamais ses ados dans notre groupe, parce que nous n'attirions que des 'poqués', des délinquants, des 'reject' (des jeunes qui trouvent difficilement leur place, en société, à l'école, en famille...), comme certains les appelaient, avec mépris, à cette époque. Vous vous doutez bien de ma réaction 'à la François, pape'! Tant mieux, répondis-je! Vous nous faites un grand compliment, merci! Cela signifie que nous vivons l'Évangile et donnons confiance à celles et ceux qui ont de la difficulté dans leur vie, entre autres avec leur identité, leur image personnelle. Je connais un autre gars qui prenait soin des marginaux, attentif aux 'périphéries' (pour prendre l'expression de notre défunt pape), semant l'amour et créant de l'espérance...et vous le recevez en communion chaque semaine... hé oui! Disons que la vertueuse personne a eu de quoi réfléchir, après notre discussion.
J'ajouterais ceci: oui, effectivement, plusieurs de ceux que leurs compagnons d'école considéraient comme des perdants et des 'pas capables de grand'chose' rejoignaient nos rangs et s'y épanouissaient. Mais une grande quantité de jeunes particulièrement performants, parfaitement ajustés et même populaires et engagés dans leur milieu, s'inscrivaient à la pasto-jeunesse, au risque d'être 'catalogués' négativement, de fait. Il fallait voir les édifiantes synergies qui se créaient dans nos 'familles'-jeunesse. Tant de préjugés mutuels ont été pourfendus, dans ce cadre pastoral, non-menaçant, chaleureux et valorisant, incluant aux yeux de la communauté pratiquante. Cela nous apportait à tous une grande fierté.
La semaine prochaine: changement de garde au presbytère