La tournée (67)


 Je m'apprêtais à emprunter le pont d'étagement Brien, situé au-dessus de l'autoroute 40, en direction de la paroisse Purification-de-la-Bienheureuse-Vierge-Marie (la plus vieille du diocèse de Montréal). J'avais de papillons dans l'estomac. Même si je connaissais le curé, je n'étais jamais entré en contact avec ses paroissiens. Je commençais là ma tournée des églises pour annoncer le nouveau projet de pasto-jeunesse en secteur et tenter de susciter des forces vives pour y participer, comme jeunes ou en tant qu'adultes bénévoles.

Au moment où je m'adresse au Seigneur et à sa mère pour qu'ils préparent les coeurs à m'accueillir et m'entendre, je remarque qu'un arc-en-ciel s'est formé, en cette fin d'après-midi d'un samedi d'orages et d'averses, juste au-dessus du clocher du lieu de culte BVM. Wow! Je le prends comme un signe que tout va bien se passer. Je me sens un peu plus en paix, intérieurement. Ma timidité ne m'empêchera pas d'aller de l'avant. En raison de mon bagage charismatique, vous vous doutez bien que j'invoquai le Saint Esprit avec une grande intensité. «Tu m'as envoyé, Souffle Saint, alors, comme Jésus l'a promis, met dans ma bouche les paroles qui toucheront les coeurs, 

La rencontre fut belle et je sentis l'appui des gens qui, bien entendu, souhaitaient une plus grande présence des ados et leur implication dans la vie ecclésiale. Quel chrétien convaincu ne souhaite pas ça? Quand on a rencontré le Christ, on désire ardemment que tous puissent connaître et goûter le trésor de l'Évangile, n'est-ce pas?. Mais avouons-le: déjà à cette époque les jeunes brillaient par leur absence dans la communauté malgré toute l'énergie investie dans leur initiation à la vie chrétienne (où, en fin de compte, on allait de sacrement en sacrement jusqu'à la 'grande finale' que constituait la Confirmation...). Honnêtement, jeune, en réfléchissant à mon avenir, je n'avais jamais senti d'aspiration ou d'appel à 'faire carrière' auprès des enfants ou des ados; ça ne faisait pas partie de mes rêves. Mais maintenant devenu prêtre (ça non plus, ça n'était pas dans les cartes...), début trentaine, plus je priais et pensais à mon nouveau mandat de l'évêque, plus je comprenais, en profondeur, sa pertinence. La situation dans les différentes paroisses me faisait saisir qu'il y avait urgence à faire quelque chose, à se mobiliser sérieusement pour cette portion du peuple de Dieu. On en parlait parfois en réunions ecclésiales mais de le constater directement sur le terrain...

Ce début de tournée paroissiale constituait la première étape, très nécessaire, de la sensibilisation des quatre communautés concernées à ce moment-là. Ma démarche ne constitua pas une surprise, bien entendu, pour l'Assomption, où la pasto-jeunesse s'avérait déjà florissante. Pour être franc, je ne me rappelle pas quelles autres paroisses m'avaient alors été assignées, au début, mais je crois qu'il devait s'agir de Saint-Sulpice (où je m'impliquais déjà) et Précieux-Sang (Repentigny; très populeuse).

Je dois dire ici qu'un élément qui m'a grandement aidé dans ce début de projet: la bonne volonté des animateurs et animatrices de pastorale dans le milieu scolaire, tant au Primaire qu'au Secondaire. J'avais la conviction qu'il fallait commencer par rejoindre, sur le terrain, les enfants de 6e année, qui venaient de vivre leur Confirmation ou allaient la vivre durant l'année. J'ai toujours cru fondamental qu'on offre un suivi à ce Sacrement d'engagement dans l'Église. Malheureusement, on le sait, souvent ce sacrement constitue comme un 'diplôme' marquant la fin d'une époque (Enfin!, diront certains jeunes...) et ne débouchant sur rien... J'eus donc la joie de faire petit à petit toutes les classes de fin-primaire de l'ensemble des écoles des quatre paroisses qu'on me confiait. Plus tard, quand mon mandat s'étendit, je continuai cette tournée pour couvrir tous les établissements du secteur. Heureusement que j'avais une certaine expérience comme animateur scolaire depuis près de dix ans. Ce vécu me facilitait les choses. Le soutien et la présence des animatrices m'apportaient un support remarquable, sans oublier l'accueil chaleureux et facilitant des enseignantes, enseignants ainsi que des directions d'écoles. 

Pour le Secondaire, après avoir rencontré les animateurs/trices des cinq écoles privée et publiques du territoire (L'école de l'Amitié n'existait pas encore) pour les informer de mon nouveau mandat et solliciter leur collaboration, on m'invita à rencontrer des étudiants dans différents contextes. Là encore, la collaboration de tous et chacun m'épata et me donna un grand élan. Comme cela s'avérait réconfortant de se voir ainsi appuyé par tous! Sans compter que leur connaissance des ados, leurs compétences et expérience valaient plus que n'importe quelle lecture sur le sujet. J'ai tant appris d'eux, de leurs erreurs -qu'ils me partageaient avec humilité- comme de leurs succès. Le projet de pastorale-jeunesse de secteur prenait corps progressivement et ne serait pas quelque chose de décroché de la réalité concrète. Toujours tourné vers le Ciel, je ne perdrais pas pour autant mes énergies à 'pelleter des nuages'.

Puisque je demeurais encore vicaire à demi-temps à l'Assomption, la fatigue se manifestait parfois un peu, les semaines s'avérant bien remplies de rencontres, de déplacements, de démarches de toutes sortes. Je profitais même de ma journée de congé pour davantage me former par la lecture et mettre sur papier (pu dans l'ordi!) mes rêves, mes intuitions et inspirations. J'expérimentais un éparpillement essoufflant et une frustration de ne pouvoir tout mener à bien comme je le désirais (et je suis un perfectionniste...). Mais ma relative jeunesse (mi-trentaine) et la poussée du vent de l'Esprit me permettaient de refaire rapidement mes forces et de foncer audacieusement vers l'accomplissement de mes objectifs, malgré mes limites, que je travaillais sans cesse à accepter. Cela m'amenait aussi à vouloir plus que jamais impliquer des personnes pertinentes et efficaces. J'avais la profonde conviction que le meilleur était à venir. Tenez-vous bien!

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