Jeunesse du Monde (76)


Grâce à Madame Thivierge, animatrice de pastorale à l'école secondaire de l'Assomption, je fis connaissance avec Richard, directeur de l'organisme Jeunesse du Monde Montréal, mouvement chrétien d'éducation à la solidarité internationale (je ne pense pas que l'organisme existe encore). Il collaborait régulièrement à des événements organisés par Odette en lien avec le but de l'organisme en question: témoignages, signatures de pétitions, collectes de fonds pour des projets concrets dans des pays en voie de développement, théâtre-forum, la fête du Jour de la Terre et autres activités sur des thèmes touchant la lutte à la pauvreté et la misère, les droits humains, et j'en passe. Une belle dynamique que j'aimais encourager, on le comprend aisément.

Un jour, le directeur de JMM propose à Odette de former un groupe et de l'envoyer vivre un projet de sensibilisation humanitaire pendant quelques semaines au Nicaragua avec une partenaire déjà sur place. Comme nous avions déjà un groupe paroissial de Jeunesse du Monde (trait d'union entre la communauté chrétienne et l'école secondaire), ce fut assez simple de recruter des participants et participants, incluant moi-même. De plus, des jeunes qui fréquentaient JdMM à Montréal même (local rue Saint-Denis) ont décidé de faire partie de l'aventure. Nous sommes dans la saison 1994-95, et je vis la pasto-jeunesse à temps plein, ce qui me donne la liberté d'investir dans la préparation de ce voyage devant se dérouler vers la fin du mois de juin jusqu'à la mi-juillet. Nous avons alors présenté le projet dans quelques paroisses que je desservais et nous avons réussi à recueillir (par des collectes dans les églises et différentes activités de financement -entre autres: souper-spaghetti et vente d'agendas, de café équitable, d'oeuvres artisanales, de pain frais, etc. ) plus de 12,000$ pour couvrir une partie des dépenses, chacune et chacun devant aussi fournir sa part, bien entendu.

Nous étions finalement sept à embarquer, la plus jeune ayant 16 ans, et les autres étant majeurs. Et vaccinés! Il nous en fallait cinq, de ces vaccins, pour entrer dans ce pays d'Amérique centrale situé entre le Honduras, au nord, et le Costa Rica, au sud. Notre destination s'avérant un pays gravement démuni et où de nombreuses maladies menaçaient, comme le choléra, la dengue et la fièvre jaune, pour ne nommer que celles-là, il fallait se protéger mur-à-mur.

De l'automne jusqu'au début de l'été, nous avons fait des efforts pour maîtriser les bases de l'espagnol. De plus, nous nous rencontrions aux deux semaines pour apprendre l'histoire, la géographie, la politique (complexe!) ainsi que la culture de cette nation blessée. Ayant vécu une révolution -pas 'tranquille'-et une longue guerre civile, sans compter un terrible tremblement de terre ayant détruit la capitale, Managua, en 1972, les Nicaraguayiens vivaient un immense choc post-traumatique, de graves séquelles tant psychologiques que matérielles. Même si la guerre civile s'était terminée quelques années auparavant, et qu'un gouvernement avait été élu démocratiquement, on ressentait une grande tension dans cette nation, porteuse d'une intense colère (parfois entre membres d'une même famille, d'allégeances différentes). Nous devions donc, en quelques mois, nous préparer mentalement à ce que nous allions voir et vivre. Heureusement, nous savions qu'une jeune femme québécoise habitant là depuis quelques années, Stéphanie, serait notre traductrice, notre référence et l'organisatrice de notre agenda sur place. Elle nous aiderait dans notre acclimatation aux trois principaux milieux où nous allions séjourner, pendant les trois semaines du projet. Nous avions accepté de vivre dans des familles d'accueil, dont une semaine dans l'immense bidonville de la capitale, et de rencontrer différents partenaires, que nous soutenions via Jeunesse du Monde Montréal, et qui nous instruiraient sur leur vécu. Nous avons entre autres rencontré des témoins de l'âge de nos jeunes participants qui avaient vécu l'enfer. Je peux vous dire que nous sommes revenus au Québec vraiment conscientisés sur la misère pouvant exister sur notre planète, et cela a littéralement changé notre vie.

Dès la semaine prochaine, je vous partagerai des extraits de mon journal de bord. Très humain et intensément touchant, vous verrez. Le médecin de la clinique-voyage de Repentigny nous avait demandé en quoi consisterait ce périple... Après un bref portrait du stage, il rétorqua que nous allions expérimenter, en quelque sorte, une aventure à la 'Indiana Jones'! Il n'avait pas tort, croyez-moi.

En terminant, je vous laisse avec une partie d'une lettre que nous avait envoyée Stéphanie quelques mois avant notre arrivée là-bas:

«  Certains ici, dont de jeunes enfants, n'ont même pas de quoi s'offrir un repas par jour. Au Centre communautaire, nous suppléons un peu. (...) Managua, la capitale avec ses 6 millions d'habitants continue de verser son sang depuis le terrible tremblement de terre qui lui ouvrit les veines il y a plus de 20 ans, en la laissant avec 12,000 morts, 60,000 sans abri et un squelette mutilé de toutes parts. Depuis cette catastrophe sans nom, Managua et le reste du pays ont eu bien d'autres morts à pleurer: 50,000 lors de la guerre d'insurrection sandiniste pour la révolution de 1979 (pour se défaire du sanguinaire régime dictatorial de la dynastie Somoza); 350,000 décès au cours des années '80 lors de la guerre d'agression des Contras anti-sandinistes. En 1990, les bouches des fusils se sont tues, mais les canons de l'économie mondiale ont pris la relève et continuent de tuer, mais plus sournoisement. Fonds Monétaire International (FMI) oblige, il faut sabrer dans les subventions aux paysans agriculteurs, dans celles pour l'éducation et la santé, et faire fondre la valeur des matières premières afin de dédier tous les fonds de l'État au remboursement de la dette extérieure. Tous sont en mode 'survie'. » 

--Stéphanie

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NDLR: Comme je ne développerai pas le sujet dans mes prochains articles, pour mieux comprendre la situation politique du Nicaragua en 1995, je vous invite à lire ceci: Révolution sandiniste

Beaucoup d'autres articles existent sur le sujet.

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La semaine prochaine: Aventure au Nicaragua - Allons-nous y arriver?

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