On s'organise -1ère partie (74)
Petit à petit, les choses se mettent en place, en pastorale-jeunesse de secteur. Le bouche-à-oreille porte du fruit. Les gens entendent dire que de belles initiatives se prennent dans les paroisses en faveur des jeunes et de leur implication ecclésiale. Je me visibilise de différentes manières dans les quatre premières communautés chrétiennes concernées. Le journal que nous publions déjà depuis plusieurs années, et que nous distribuons maintenant plus largement, suscite l'intérêt des personnes, sans oublier les visites scolaires, vraiment efficaces dans le recrutement.
En 1994, quand, à ma plus grande joie, on me confiera finalement les huit paroisses du secteur (je ne serai donc plus vicaire à temps partiel à l'Assomption mais exlusivement mandaté pour la mission auprès des jeunes), je compris que l'expérience de la première année s'étant avérée concluante, le diocèse désirait maintenant que cela continue et grandisse encore. À l'archevêché, on souhaitait que ce projet-pilote puisse s'étendre éventuellement à toutes les paroisses de Montréal, dans chaque secteur pastoral. Dans ma région, en assez peu de temps, plusieurs ados et adultes se montrèrent intéressés à participer au projet dans les paroisses de Saints-Simon & Jude (Charlemagne), Saint-Paul l'Ermite (Le Gardeur), les trois églises de Repentigny, Notre-Dame des Champs, Précieux-Sang et La Purification; nous nous rendions aussi loin que Saint-Gérard-Majella, sans oublier Saint-Sulpice et l'Assomption. L'intérêt et la réponse ne fut pas le même dans chaque communauté chrétienne, mais peu importe, je relançais régulièrement l'invitation et finissait par déclencher un certain mouvement. Le Seigneur me confiait un grand territoire ecclésial à servir, mais je m'y sentais comme un poisson dans l'eau. Et je savais, par expérience, que Dieu me donnerait ce qu'il faut de grâces et d'énergie pour accomplir cet appel particulier.
Je demeurais toujours au presbytère de l'Assomption, où j'avais un espace personnel de travail, mais je trouvais important de me trouver un espace plus central pour établir un bureau. Après avoir manifesté mes besoins lors d'une rencontre des prêtres et adjointes (je me suis toujours fait un devoir d'y participer chaque fois), le bon curé de Saint-Paul l'Ermite, Fernand Robillard, m'offrit une des chambres du presbytère (avec salle de bain attenante), située au rez-de-chaussé (avec vue sur le cimetière...ça fait réfléchir un gars), donc facilement accessible sans déranger la vie de la maison, et assez spacieuse pour y installer le matériel nécessaire à mon travail. J'y ferai installer une ligne téléphonique avec un numéro exclusivement réservé au service de PJ, avec boîte vocale à multiples options. Les gens pouvaient laisser des messages (étant moi-même plus souvent sur le terrain qu'au bureau), entendre les annonces et horaires des prochaines activités, s'y inscrire, laisser des intentions de prière, etc. Facebook et un site web nous auraient été bien utiles, mais ça n'existait pas encore à cette époque, du moins pour le grand public.
Au fil des ans, un impressionnant groupe d'animateurs/animatrices s'est constitué. Nous étions près d'une vingtaine autour de la table (avec un bon café et quelques gâteries!), après quelques années de fonctionnement. Je rassemblais ceux-ci mensuellement pour du ressourcement spirituel, de l'évaluation, de la planification, du l'exploration de matériel d'animation, de la préparation d'activités, du partage de vécu, de l'enseignement, de la célébration, et j'en passe. Nous choisissions ensemble une thématique annuelle qui se déployait de diverses façons, en grand groupe ou en cellules individuelles. Évidemment, le fait d'être engagé à temps plein me permettait de beaucoup lire sur ce qui se faisait ailleurs dans ce domaine (surtout USA et France), prier intensément et me préparer méticuleusement pour toutes les rencontres. J'arrivais à la table, on s'entend, bien 'équipé' pour proposer des orientations et des activités. Mais je ne voulais pas d'un groupe d'adultes qui ne feraient qu'exécuter mes inspirations -un genre de comité-bidon où on s'exprime mais où tout, en vérité, est décidé d'avance:on appelle cela de la démagogie, et j'en ai trop vue, dans ma vie. J'amenais donc mes idées (fort aussi de ce que me partageaient le service diocésain de pastorale-jeunesse et les instances décisionnelles de chaque paroisse concernée et de la table sectorielle) et ensemble on décidait du parcours à suivre. Chacun apportait son vécu humain et chrétien, et on posait les fondations communautairement. Je dirais même que nous apprenions ensemble; il s'agissait d'un tout nouveau chantier, après tout. J'avais pour profonde conviction que les différents intervenants devaient avoir un bel espace pour exercer leur créativité et laisser le Saint Esprit les inspirer dans leur mission sur le terrain. Dans l'Église catholique, depuis Vatican II, on met clairement de l'avant le 'Sensus fidei' (instinct de la foi) de chaque baptisé-confirmé et l'esprit synodal. J'y ai toujours cru profondément. Ainsi notre brassage d'idées et humble partage de nos 'bons coups' ainsi que la prise de conscience des merveilles de Dieu accomplies dans nos vies nous nourrissaient abondamment; nous tracions mois après mois le chemin neuf de l'évangélisation des jeunes -et la nôtre!- dans notre région, rien de moins. Bien entendu, on incluait les parents dans l'équation, autant que possible, respectant aussi, vous le comprendrez, le fort désir d'autonomie (individualisation ou processus d'émancipation) qu'on vit à l'adolescence. Un délicat 'équilibre' à trouver.
Toute notre façon de faire se modelait sur celle de Jésus, le 'leader des leaders' (pardonnez-moi l'expression de source anglaise) mais nous avions bien saisi dans les évangiles que notre Maître 'sondait' ses apôtres et disciples après un certain temps de mission active (pour laquelle il les avait d'ailleurs formés), et je trouvais cela vraiment primordial de faire de même chaque mois. Je demeurais disponible, bien entendu, entre ces réunions officielles planifiées et structurées (ayant lieu au local des jeunes, 'La Source', à l'Assomption); de plus, je passais plusieurs heures, au moins quatre soirs par semaine, pour faire la tournée des différents groupes et ainsi soutenir et valoriser le travail des animatrices/teurs. Mais j'avais hâte que nous nous retrouvions tous ensemble pour un temps fort qui nous faisait du bien et contribuait à tisser des liens vitaux. On sentait le 'Souffle Saint' à l'oeuvre! Il présidait clairement ces petits 'synodes'.
Au sommet de notre pastorale de secteur, il y avait de une à trois cellules-jeunesse dans chacune des huit paroisses, et on rejoignait autour de cent vingt ados et jeunes adultes. Chaque groupe décidait lui-même la fréquence des rencontres; plusieurs désiraient se voir hebdomadairement, d'autres le faisaient aux deux semaines. Cela se déroulait souvent le soir, mais certains choisissaient un moment du week-end.
Comme vous le voyez, il s'agissait de quelque chose d'imposant, une grosse 'bâtisse' faite de pierres vivantes bien généreuses, croyez-moi! Jésus étant 'la porte', comme le disent les évangiles, moi je me voyais en quelque sorte comme son 'portier', le facilitateur -vraiment à l'écoute, le motivateur, le serviteur auquel on fait confiance et qui tient à se montrer digne de celle-ci, tout simplement.
__________________
La semaine prochaine: on s'organise, 2e partie
